Prédication apportée par le pasteur Clémence Bury.
Luc 12 : 32-48
Nous continuons ce matin la méditation du chapitre 12 de l’Ev. De Luc. Le Seigneur allait quitter les siens ; car définitivement le monde le rejetait. Un complot qui devait aboutir à la croix, s’était déjà formé contre lui (11:53-54). Les apparences étaient trompeuses car jamais sa «popularité» n’avait tant brillé : Les foules se rassemblaient par milliers autour de Jésus ! Mais lui voyait et connaissait ce que recouvrait l’hypocrisie du coeur humain. C’est à ce moment, qu’en présence de la multitude, il se met à parler à ses disciples et les exhorte, les encourage, leur adresse consolation sur consolation. Une parole domine dans ce chapitre : «Ne craignez pas». Devant tout ce qui pourrait abattre ce faible troupeau, que son Berger allait laisser comme à la merci des loups, il leur répète : «Ne craignez pas». La puissance et la haine des hommes qui va jusqu’à tuer le corps, votre propre insignifiance, ne doivent pas vous inquiéter ; Dieu a soin de vous et vous aime. Vous courrez des dangers en me confessant, mais je vous confesserai devant les anges de Dieu. On vous traînera devant les synagogues et devant les juges ; ne craignez pas, car la puissance du Saint-Esprit vous enseignera. Les hommes sont contre vous : Dieu lui-même, et le Fils, et le Saint-Esprit sont pour vous. Ne soyez pas en souci pour la vie, ne soyez pas en peine de ce que vous mangerez et de ce que vous boirez et comment vous serez vêtus ; vous avez un Père qui sait que vous avez besoin de ces choses !
Il les exhorte aussi : «Tenez-vous en garde, dit-il, contre le levain des pharisiens qui est l’hypocrisie». «Voyez, et gardez-vous de toute avarice» ; et certes, nous avons besoin de ces exhortations, mais il veut avant tout remplir de confiance ces coeurs troublés et craintifs : «Ne craignez pas !»
Puis il introduit le passage de ce chapitre que nous désirons méditer : «Recherchez le royaume de Dieu» (v. 31 ).
Voilà comment nous serons portés au-dessus des craintes et des soucis de cette vie, si nous cherchons le royaume du Père ! Toutes les choses terrestres dont nous avons besoin «nous seront données par-dessus», car nous aurons le Père ; elles nous seront données à titre de supplément, pour parfaire le poids des choses éternelles que nous trouverons dans son royaume !
* Lecture
1. Le trésor
Le Seigneur résume encore une fois toutes les exhortations qui précèdent, par un mot : «Ne crains pas, petit troupeau». Après avoir détaillé tous nos sujets de crainte, il dit : «Ne crains pas !» Nous sommes le petit troupeau au milieu de cette multitude hostile. Nous ne pouvons nous confier dans notre nombre, dans notre force ou notre intelligence, mais nous pouvons nous confier en Lui. Et voyez quelles grandes choses le Père a faites pour le petit troupeau ! «Il a plu» — entièrement en dehors de nous, qui sommes sans mérite pour l’obtenir — il a plu «au Père» — qui nous a mis en relation avec lui-même comme ses bien-aimés — «de nous donner» — non pas de nous prêter pour un temps, en nous accordant une jouissance passagère, mais — «de nous donner», de nous donner en propre «le royaume», — le royaume du Père ! Comme cette libre et pure grâce de Dieu, comme cet intérêt et cet amour du Père, sont faits pour remplir de confiance nos coeurs !
Le royaume est à nous, nous le possédons, nous pouvons y entrer aujourd’hui et demain et chaque jour.
Mais, pour en jouir, j’ai quelque chose à faire. Pour entrer dans ma maison, il me faut en avoir la clef. Le Seigneur place cette clef dans la main de ses disciples ; il leur révèle le secret par lequel ils peuvent prendre aujourd’hui possession de ce qu’ils auront à jamais.
«Vendez ce que vous avez, et donnez l’aumône ; faites-vous des bourses qui ne vieillissent pas, un trésor qui ne défaille pas, dans les cieux, d’où le voleur n’approche pas, et où la teigne ne détruit pas ; car là où est votre trésor, là aussi sera votre coeur». Le secret qu’il me confie est de n’avoir ici-bas rien que je possède en propre, de rompre tous les liens qui me rattachent aux choses terrestres en les considérant comme des entraves, et d’employer ces choses, dont il laisse l’administration entre mes mains, à faire du bien aux autres, devenant ainsi comme la main du Père qui sait qu’ils ont besoin de ces choses. Encore une fois : il n’est pas mauvais en soi pour un chrétien d’avoir des possessions, mais il ne faut pas y être attaché comme un esclave à sa chaîne ; nous devons pouvoir en user librement pour le bien de ceux qui nous entourent. Alors nous nous faisons un trésor dans les cieux ; nous montrons par nos actes que les biens incorruptibles ont seuls de la valeur, et quand nous avons, pour ainsi dire, constitué notre trésor, nos coeurs le suivent. Ces trois choses sont liées : le renoncement, l’acquisition du trésor, et le coeur suivant le trésor. Si je me fais «des bourses qui vieillissent», mon coeur s’y attachera nécessairement. Un beau jour, elles périssent et me sont dérobées. Alors, pauvre coeur misérable, que deviens-tu, quand ton trésor a disparu ?
Si le croyant n’est pas de ce monde, si ses biens sont dans le ciel, il doit attendre constamment le Seigneur qui va venir l’introduire là où est son trésor, et, en l’attendant, il doit le servir.
2. L’attente
Nous avons à prendre ici-bas une certaine attitude en attendant celui qui nous a quittés, mais qui est sur le point de revenir. Nous avons à veiller sur nos pensées, sur nos affections, sur tout ce qui pourrait nous distraire et nous empêcher d’entendre les pas de l’époux qui s’approche. C’est bien l’attitude d’un serviteur, mais d’un serviteur qui se tient près de la porte, attentif au moindre bruit, pour ouvrir aussitôt que la main du maître heurtera.
Nous devons attendre ainsi le Seigneur. Le faisons-nous vraiment ?
Le Seigneur appelle « bienheureux » les serviteurs qu’il trouvera veillant.
Le Seigneur va venir ; alors plus de service dans la nuit, plus de vigilance ; ce sera le repos éternel et le Serviteur parfait et glorieux servira les siens à une table éternellement dressée, où ils jouiront de son amour et de tout ce qu’est Jésus lui-même. Avec une telle perspective devant nous, nous pouvons attendre le Seigneur à toute heure. « Vous donc aussi soyez prêts ; car, à l’heure que vous ne pensez pas, le Fils de l’homme vient » (v. 40). Il y a dans ces paroles un avertissement qui ne concerne pas seulement les serviteurs qui attendent leur Maître, mais chacun de ceux qui ne connaissent pas le Seigneur. Aujourd’hui plus que jamais, ces mots : « Soyez prêts » retentissent aux oreilles de tous, car c’est encore le jour de la grâce. C’est un grand privilège que le Seigneur accorde à tous d’entendre son appel. Ceux qui n’y prennent pas garde s’exposent à entendre ces autres mots : « Trop tard », lorsque le temps de la grâce sera passé et que le Seigneur aura fermé la porte.
Nous avons là, rassemblées, deux paraboles sur l’attente, la vigilance et la
responsabilité. La première met l’accent sur la veille et l’heure inattendue du retour du maître, l’autre sur le travail pendant la veille. Par ailleurs, le personnage change, nous passons du serviteur à l’économe ou à l’intendant, la seconde parabole visant alors plus particulièrement les responsables d’église. Le second, qui n’était pas un esclave, jouit ainsi de la confiance du maître.
Comment passer ce temps de l’attente, polarisé d’un côté par l’absence du Ressuscité et de l’autre, par son retour ? En d’autres termes, comment cette attente pourra-t-elle se vivre positivement, ni dans la tristesse de l’absence, ni dans la fuite en avant ? D’un côté, une présence invisible, de l’autre l’ignorance de l’heure du retour, à venir. Car elle vient, cette
heure, il reviendra, le Maître, aucun doute là-dessus dans le texte. Quelle attitude
présente, en revanche, suscitera à la fois cette absence du maître, la certitude de
son retour et l’ignorance de l’heure ?
3. Le service
Le texte nous présente deux manières, l’une positive (v. 42-44), l’autre négative
(45-46).
Le premier personnage est un intendant fidèle, avisé (ou sage), il a à cœur d’accomplir la tâche qui lui est demandée. Il s’y adonne et s’y donne lui-même.
« Heureux ce serviteur, que son maître trouvera en train de faire ce travail ».
Non pas heureux le Maître de se voir obéi et de retrouver ses affaires en état, mais heureux le serviteur. Pour ce serviteur, le maître viendra quand il viendra, nulle inquiétude à ce sujet, nulle lassitude non plus. Occupé à sa tâche, il ne sera pas surpris, ni pris par surprise ; il est prêt, non pas parce que la tâche sera achevée, mais parce qu’il y est, à la tâche. Il ne sait pas plus que l’autre quand il viendra, mais pour lui, son maître ne tarde ni ne vient trop tôt. Il viendra en son temps, au temps opportun, qui appartient au Maître, et quand il viendra ce sera le plein bonheur ; mais travailler à son service, voilà déjà une béatitude.
L’ignorance fait partie de sa vigilance, ne pas savoir n’entraîne chez cet intendant, qui par ailleurs est dit fidèle, aucune lassitude. L’ignorance fait partie de la vigilance, et la vigilance est fidélité, et la fidélité ne s’inquiète pas, même quand elle attend, car son attente, c’est d’agir en toute confiance : heureux et prêt, parce qu’agissant.
Le second personnage, lui, polarise son attention, non pas tant sur le retour du maître que sur le sentiment subjectif qu’il tarde : « mon maître tarde à venir ». À priori, on ne voit pas selon quelle logique ce « retardement » devrait conduire inévitablement à un dérèglement. Il est une juste attente qui peut se faire soif intense et s’écrier : « Jusques à quand… ? ». Mais peut-être que parfois l’acuité de l’attente se transforme en anxiété, en manque de confiance ; la fidélité défaille, l’espérance cesse de remplir le temps présent, la perception du temps se fait trop humaine, trop reliée à soi jusqu’à vouloir maîtriser le temps. La tâche perd son sens, alors pourquoi s’y atteler ?
Et si le maître arrive alors « au temps qu’il n’attend pas », « à l’heure qu’il ne sait pas » (mais, en réalité, ni plus ni moins que pour le premier serviteur), ce n’est pas par quelque calcul pervers de la part d’un maître avide de piéger et surprendre son serviteur, mais parce que celui-ci n’est plus dans ce temps de Dieu qui, en réalité, est, de toujours et à toujours – que sa présence soit visible et perceptible ou non. L’esprit n’est plus disponible, mais affolé, occupé à s’en prendre aux autres, à se perdre lui-même.
La seconde partie du texte rajoutée à la parabole (v.47-48) fait la différence entre le serviteur qui connaissait la volonté du Maître – ce qui renvoie aux personnages précédents l’un s’étant montré responsable et l’autre non – et un autre qui ne la connaissait pas (ne faisant donc pas partie de la maison du maître) et envers qui le maître, le jugeant également, sera néanmoins plus clément.
Cette seconde partie nous adresse donc la question suivante : connaissons-nous la volonté du maître, oui ou non ? Lui faisons-nous confiance ou non ? Dans la mesure où l’écoute de la Parole nous rend déjà membres de la maison du Maître, à quelle autre faveur pourrons nous prétendre ? Plutôt qu’à la peur du jugement, la parabole ne nous appelle-t-elle pas davantage à la confiance, en soi déjà béatitude, ici et maintenant?
Car ces versets redisent aussi la confiance du maître à l’égard du serviteur à qui beaucoup est donné, ou beaucoup confié, c’est dire la haute responsabilité donnée aux fidèles comme aux responsables d’église. En dernier ressort, c’est bien la générosité de Dieu, sa libéralité, qui sont ainsi mises en valeur, une générosité et une libéralité qui viennent remplir ce temps de l’attente, d’une plénitude d’ici-bas à une plénitude d’en-haut.
On peut estimer qu’il tarde à venir. Il reste qu’être à son service, c’est témoigner de ce qu’il a donné et remis entre nos mains pour que nous-mêmes, comme une forme de veille et dans une liberté responsable, « en temps voulu », nous distribuions à notre tour « les rations de blé », ces biens que Dieu donne en partage pour notre nourriture, le pain quotidien, le pain de la Parole.
Dans cette distribution des biens est un temps dont l’opportunité est confiée à l’homme, étant bien entendu que ces biens ne sauraient être confisqués ni laissés à l’abandon. L’on comprend alors que « beaucoup sera demandé à qui aura été beaucoup donné », car ce « beaucoup », ce sont les biens mêmes d’un Dieu généreux, généreux au point de se donner lui-même. Voilà certes de quoi occuper le temps de l’homme de telle sorte qu’il coïncide avec ce temps de Dieu qui ne cesse de donner, cette autre forme de sa présence. Jusqu’à son retour.
Dans la société actuelle, tous les chrétiens sont responsables de leur témoignage, de la fidélité à l’Évangile. Tous sont acteurs de l’Église, par le seul fait qu’ils se déplacent le dimanche matin pour aller au culte ! La parabole donne une image de l’Église.
L’Église est ce lieu d’où le Maître est absent. Chacun de celles et ceux qui y travaillent connaissent ses instructions. Elles se transmettent de génération en génération : amour fraternel, pardon, justice pour tous, service les uns des autres. Il faut agir et travailler avec ce qu’il nous a laissé, et prendre des responsabilités. L’absence du Maître oblige les disciples à devenir adultes et responsables, dans la liberté !
Le Maître reviendra. C’est une certitude pour les serviteurs. L’est-ce encore pour les
disciples d’aujourd’hui ?
Attendre le Christ, c’est agir maintenant selon son enseignement.
Le chrétien n’est pas appelé à spéculer sur le retour du Seigneur, ni à imposer des
doctrines concernant la Parousie, mais à retrousser ses manches et faire en sorte
que chacun reçoive « sa part de blé en son temps ».
Une Église aux intendants fidèles est celle qui a pour seul souci de transmettre la Parole de Dieu à ceux et celles qui la demandent, « en temps voulu ».
L’Église doit toujours être dans l’attente de Christ, ne sachant pas quand il viendra.
L’attente du Seigneur détache du monde ; remettre cette attente à plus tard laisse le serviteur à sa propre volonté.
Si l’épouse aime l’Époux, elle ne peut que désirer le voir. Son coeur est là où il est. Lorsque l’Église a perdu cela, elle s’est établie confortablement là où elle était ; elle est devenue mondaine ; elle ne s’est plus inquiétée du retour du Seigneur.
Ce que le Seigneur veut souligner quant aux faits de veiller et de servir, c’est : «Je vais revenir. Vous devez m’attendre, comme des hommes qui attendent leur maître». Si tous les chrétiens veillaient vraiment, attendant des cieux le Seigneur, sans savoir à quel moment il viendrait, ne pensez-vous pas que tout serait transformé ?
Si les gens attendaient le Seigneur, tout le mode et le caractère de leur vie seraient changés. Je peux avoir la doctrine de la venue de Christ tout en n’attendant pas vraiment ; mais je n’aimerais pas être trouvé en train d’amasser quand le Seigneur viendra.
Quels sont les derniers mots de l’Écriture ? «Oui, je viens bientôt. — Amen ; viens, Seigneur Jésus !» «L’Esprit et l’épouse disent : Viens [cela s’adresse à l’Époux]. Et que celui qui entend dise : Viens». C’est-à-dire, le chrétien qui a entendu la parole de son salut s’associe au cri. Puis ceux qui ont soif et désirent de l’eau de la vie sont invités à venir : «Que celui qui a soif vienne. Que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie».
Et maintenant je vous pose cette seule question : Attendez-vous des cieux le Fils de Dieu ?
Pouvez-vous dire : «J’attends Christ ?» Je ne vous demande pas : «Avez-vous de l’intelligence au sujet de la venue du Seigneur ?» Est-ce que maintenant vous attendez des cieux le Fils de Dieu ? Aimeriez-vous qu’il vienne ce soir ? Que penseriez-vous s’il devait venir ce soir ? Serait-ce exactement ce que votre âme attendait ? Veuille le Seigneur nous accorder d’être prêts lorsqu’il viendra — d’être trouvés L’attendant.