Prédication apportée par notre pasteur Clémence Bury.
Romains 5 : 1-8 ; Jean 4 : 5-42
*Prière
*Lectures
La rencontre près du puits est fréquente dans la Bible, comme dans les régions sans eau courante où les femmes et les enfants vont puiser l’eau dès le matin ou en fin de journée. C’est toujours une occasion pour échanger des nouvelles avec les autres. Jésus rencontre la femme de Samarie, établit un dialogue, plein de malentendus et de sous-entendus, une méthode souvent utilisée par l’évangéliste Jean pour suggérer son message.
Voyons comment il évoque les barrières que franchit Jésus, ce que le thème de l’eau peut symboliser pour évoquer le « don de Dieu » que Jésus veut révéler, ce même don développé autrement par Paul dans son épître aux Romains.
Trois barrières séparent les acteurs de cette histoire :
-Celle de la nation et de la religion : Jésus est juif et la femme est samaritaine. Ces deux peuples ont la même origine et adorent le même Dieu. Mais l’histoire les a séparés et leur religion a évolué différemment. Les uns n’adorent qu’à Jérusalem alors que les autres font leur culte sur leur montagne sacrée, le mont Garizim. Pour cette raison les juifs pieux rejetaient les Samaritains comme idolâtres. La différence religieuse a entraîné des cultures différentes, le mépris des uns et la rancune des autres. Nous avons connu cela entre protestants et catholiques. Jésus franchit cette barrière et, au grand étonnement de la femme, lui adresse la parole. Elle réagit : « comment peux-tu ?… Eh oui, il le peut !
-La seconde barrière se dresse entre hommes et femmes : l’évangéliste Jean écrit que les disciples, à leur retour, étaient étonnés de voir Jésus parler avec une femme. Nous voyons encore les traces de ce temps où les écoles n’étaient pas mixtes, où hommes et femmes n’étaient pas assis côte à côte pendant le culte. La méfiance entre les sexes et la peur de l’autre forment aussi une barrière que certains s’évertuent encore à bétonner. Jésus franchit aussi cette barrière en établissant avec cette femme une relation saine où on peut parler de sujets vitaux sans qu’il y ait des sous entendus peu avouables.
-La troisième barrière se dresse entre la femme, dont la vie familiale était chaotique, et les habitants de la ville : elle vient puiser l’eau à midi, l’heure où elle ne rencontre personne. A la fin de l’histoire, elle va vers les gens et leur dit « cet homme m’a dit tout ce que j’ai fait » ; ce passé dont elle avait honte, elle peut maintenant l’assumer.
Jésus est un homme libre. Il ne se laisse pas emprisonner par les préjugés nationaux, religieux, raciaux ou sexistes qui empoisonnent la vie des gens et les empêchent de rencontrer les autres. Sans agressivité, dans le respect mais aussi sans se renier et dans la vérité il ouvre les chemins qui permettent aux hommes et aux femmes de se parler en vérité.
Au début de l’histoire, Jésus est le demandeur. Il ne se place pas au-dessus de la femme comme celui qui sait et qui donne, il est celui qui a soif et qui a besoin de son aide pour boire. La conversation va commencer autour de l’eau, avec une suite de malentendus.
L’évangéliste nous conduit au delà de la simple eau qui coule.
Cette eau sortira du côté de Jésus, mêlée de sang, sur la croix. Cette eau apporte la vie, la liberté, la santé, la joie, elle étanche la soif jusque dans l’éternité. Cette eau devient source de vie en celui qui la boit.
Elle symbolise l’Esprit que Jésus veut donner à ceux qui croient, Esprit de force et de vie, qui transforme les croyants en hommes libres, non enfermés dans les préjugés et les peurs. Il en fait des témoins capables de franchir les frontières et de donner l’espérance à ceux qu’ils rencontrent.
Il propose cela à cette femme, et à ceux qu’Il rencontre : étancher leur soif de vie en leur donnant l’Esprit Saint, puissance qui efface la peur, les barrières et remet debout.
« Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te parle ». Jésus quitte la position de celui qui demande pour devenir celui qui propose et offre quelque chose à la femme. Jésus demande seulement à être reconnu comme ce « don de Dieu » aux hommes. L’apôtre Paul, dans le passage de l’épître aux Romains que nous avons entendu, appelle cela la confiance, la foi. Jésus ouvre l’accès à Dieu par un chemin qui n’est ni étriqué, ni rempli de l’exclusion ou de la condamnation de ceux qui ne sont pas conformes. Souvent, nous nous laissons tenter par ces exclusions pour insister sur les différences entre nous et les autres.
La femme rappelle ces différences à Jésus : « vous les Juifs adorez à Jérusalem et nous sur la montagne, qui est dans le vrai ? ». Jésus ne les nie pas, il affirme même que les Juifs « savent qui ils adorent » et que « le salut vient d’eux. »
Mais il relativise cela immédiatement : il n’en sera pas toujours ainsi puisque les vrais adorateurs du Père sont « ceux qui adorent en Esprit et en vérité ».
Pour Jean, cette rencontre de Jésus avec la Samaritaine annonce et préfigure la mission de l’Eglise auprès des non-juifs.
Ce n’est que progressivement que Jésus révèle à la femme sa véritable identité. A priori, au début de l’histoire, rien n’indique qu’en cet homme Jésus se cache un Sauveur. N’a-t-il pas besoin de s’arrêter, de s’asseoir tout simplement parce qu’il est fatigué ? N’a-t-il pas besoin d’envoyer ses disciples chercher à manger parce que son estomac crie famine ? N’a-t-il pas besoin de prier qu’on lui donne à boire tout simplement parce qu’il a la langue sèche ? Ce n’est qu’au courant de l’échange que se manifeste au fond du coeur de la Samaritaine la véritable identité de celui qu’elle a en face d’elle.
Dans la Bible, Dieu lui-même se définit comme la source d’eau vive (Jer. 2, 13). Dans l’Évangile de Jean, c’est Jésus qui est décrit comme la source d’eau vive. Jean 6, 35 : « Celui qui croit en moi n’aura jamais soif ».
Pour saisir la vraie vie, celle qui est proposée par le Christ, il est utile de se plonger dans la fin de l’histoire pour se rendre compte que celle qui a bu à la source d’eau vive est devenue elle-même source jaillissante pour celles et ceux qu’elle va rencontrer. Son témoignage va permettre à d’autres de rencontrer le Christ et finalement de découvrir en lui le Sauveur, le libérateur. Ce don de Dieu aux hommes, c’est exactement aussi ce dont nous parle Paul dans l’épître aux Romains, mais il le fait non pas sous la forme d’un récit, mais plutôt d’un exposé théologique. Et pourtant, dans ces deux textes, le même thème, la même lumière extraordinaire mise sur le Christ !
L’épître aux Romains est la dernière connue de Paul, et n’est pas une lettre de circonstance. L’apôtre s’adresse à une Eglise qu’il n’a pas fondée, dont il sait qu’elle est composée de judéo et de pagano chrétiens, mais qu’il ne connaît pas personnellement. Sa lettre est donc l’exposé le plus complet de sa théologie. Il faut entrer dans son raisonnement dès les premiers chapitres, et en particulier garder à l’esprit l’affirmation centrale de la « justification par la foi ». L’expression revient au v. 1 de notre texte : il faut donc être le plus clair possible sur sa signification.
Etre justifié, c’est être reconnu comme juste. L’humain ne peut pas être juste par ses propres efforts. Il passe son existence à justifier ce qu’il fait, ce qu’il est, pourquoi il agit et existe. Même face à la divinité, il négocie son bonheur et sa vie (le salut) par l’accomplissement au plus juste de rites et de prescriptions.
La Bonne Nouvelle, c’est que Dieu lui-même a eu pitié de l’humain. Par Jésus-Christ, les rapports des hommes à Dieu ont été transformés. Désormais, l’homme est lié à Dieu par la foi en Jésus-Christ, autrement dit, simplement en acceptant de ne plus compter sur lui-même, mais de mettre sa confiance en Dieu. L’humain n’a plus à justifier de son existence ou de son salut par ses propres efforts, mais il est aimé, accepté, « sauvé », par Dieu. La seule réponse de l’homme à son Dieu, c’est la foi, l’adhésion de tout son être à l’Evangile, l’ouverture de sa personne entière à Dieu dans la confiance. Jésus Christ est celui dont la foi, la confiance, l’ouverture à Dieu son Père ont été totales. Il est pour le croyant le seul chemin à suivre, le seul modèle parfait.
La première conséquence de cette justification par la foi, c’est la paix avec Dieu. A cause de Jésus-Christ, nous sommes en paix avec Dieu. C’est un acquis, un don de Dieu pour le croyant. Avec le Christ, la paix est donnée. Rappelons-nous la première proclamation de l’Evangile par les anges aux bergers de Bethléem : « Gloire à Dieu au plus des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime ».
Paul précise bien que nous sommes en paix avec Dieu. C’est donc que notre relation à Dieu est d’un nouvel ordre, à cause de la justification par la foi. Avant Christ, les hommes n’étaient donc pas en paix avec Dieu ? Il nous faut poser la question de notre relation à Dieu. N’est-elle pas souvent marquée par la culpabilité, le désir de bien faire, le désir de plaire ? Image d’un Dieu vengeur et punisseur : « Qu’ai-je fais au Bon ( !) Dieu pour mériter ça ? ».
« Nous sommes en paix avec Dieu ». Son pardon et son amour nous précèdent et nous sont acquis, pour autant que nous les acceptions joyeusement et pleinement pour nos vies : c’est une autre façon de dire que nous sommes justifiés par la foi. La violence et la lutte des hommes et de Dieu, de Dieu avec les hommes… c’est dans le passé, c’est derrière nous, et c’est Jésus qui en a fait les frais (payé le prix ?!) sur la croix.
Nous sommes en paix avec Dieu : cela permet également au chrétien de vivre les temps d’épreuve différemment.
La détresse, l’épreuve, la souffrance ne sont pas des causes de joie, ou des situations à rechercher pour en tirer un quelconque orgueil ! Paul a lui-même souffert de plusieurs manières et il n’en parle pas comme d’un bien. Jamais.
Mais il rend compte de son expérience pendant la détresse : persévérance/patience, fidélité éprouvée/ résistance, enfin, espérance ; c’est cela qui est positif !
Pour Paul, c’est du vécu. Il n’est humainement pas permis de dire à quelqu’un qui souffre qu’il doit se réjouir, être patient, et plein d’espérance !
Parce qu’ils se savent aimés de Dieu, parce qu’ils se savent acceptés par leur Seigneur tels qu’ils sont, parce qu’ils sont « en paix avec Dieu », certains croyants traversent les temps d’épreuve avec patience, une fidélité/foi constante, et gardent l’espérance. C’est un constat et un encouragement pour les soeurs et frères qui vivent des difficultés.
Paul enchaîne son raisonnement de la persévérance à la fidélité à l’espérance à l’amour. C’est le propre du chrétien : il espère parce qu’il est aimé, justifié, accepté par Dieu – en paix.
D’après l’apôtre Paul, l’espérance a comme fondement « l’amour de Dieu répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit. » L’espérance est nourrie par l’amour, et l’espérance s’exprime par l’amour. La foi, l’espérance et l’amour constituent le fond de la vie chrétienne ; les trois éléments s’appellent l’un l’autre et s’appuient l’un sur l’autre, parce qu’ils reposent tous les trois sur l’amour de Dieu en Jésus-Christ. Et nous pensons bien sûr à la fameuse parole de la 1ère épître aux Corinthiens : « Ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour ; mais la plus grande, c’est l’amour. »
Qu’est-ce que l’espérance, qui est présentée ici comme une « valeur sûre » ? L’espérance biblique est l’attente confiante d’un avenir donné par Dieu. L’espérance est liée à la foi ; croire ce que l’on ne voit pas – pas encore.
C’est la capacité à voir au-delà des contingences présentes ; à lever la tête même au creux de la tempête ; à ne pas baisser les bras dans l’épreuve. Espérer, c’est croire que je suis aimé même quand tout va mal pour moi, c’est croire que j’ai de la valeur même quand je perds mon travail, mes amis, mes repères. Espérer, c’est mettre ma confiance en Dieu, plutôt qu’en mes propres forces. Espérer, c’est accepter mes faiblesses et mes épreuves comme le temps où Dieu me parle au coeur et me donne de me relever. Espérer, c’est vivre mes propres temps de deuil et de nostalgie avec la tranquille assurance que la vie triomphe encore de la mort. L’espérance chrétienne repose sur la personne de Jésus-Christ, notre Sauveur.
Le Christ est mort pour nous ! C’est une affirmation que nous répétons à l’envi en toute occasion. C’est peut-être le moment d’essayer de comprendre ce que cela veut précisément dire. Le texte nous y aide.
Pour qu’on comprenne bien, Paul met les points sur les i : donner sa vie ? Cela s’est vu, cela se voit, même si c’est exceptionnel et que cela implique généralement une relation privilégiée : on donne sa vie pour ceux qui vous sont confiés, pour ceux que l’on aime, pour les siens.
Pour des inconnus ? C’est douteux. Pour ceux qui vous refusent et se détournent de vous ? Jamais ! Or c’est ce que Dieu a fait pour nous en Jésus.
Depuis qu’il y a des hommes sur la terre, l’objet premier de leur amour, sauf exception, c’est eux-mêmes. Ils se préfèrent à tout, à tous, a fortiori à Dieu qui leur donne ses commandements, qui a des exigences et exprime des volontés. Rien ne se passe comme il faudrait. L’homme ramène tout à lui alors qu’il était fait pour se donner à Dieu. C’est l’échec, l’opposition, l’égoïsme qui engendre la colère. Dieu se fâche et le monde aspire à la grande réconciliation.
Y a-t-il une solution, un remède ? Oui, c’est le plan du salut qui naît avec la création. Il faut qu’un homme vienne attester qu’il n’est pas de plus beau destin que de servir Dieu, c’est-à-dire de l’aimer, et d’aimer son prochain. Vivre pour cela a plus d’importance que tout. Cela vaut la peine de donner sa vie pour d’autres que soi, même pour d’autres qui ne le demandent pas ou n’en veulent pas !
Au temps fixé, dit l’apôtre, c’est-à-dire selon le plan du salut, le Christ est mort pour nous et c’est l’oeuvre de Dieu.
Le Christ est mort pour nous. C’est la réconciliation avec Dieu. Une humanité nouvelle est née. Elle est pour nous. Nous pouvons y entrer, nous pouvons en être. La porte, c’est le Christ et la démarche qui nous y porte, c’est la foi : faire confiance à celui qui nous révèle ce pour quoi nous sommes faits. Le suivre, c’est retrouver notre juste place dans le monde. C’est être justifiés, réconciliés.
L’Evangile raconte comment des malades ont été guéris, comment des exclus se sont sentis acceptés, comment des coupables ont trouvé le pardon, comment l’espoir est revenu là où Jésus était présent, comment une femme samaritaine a découvert sa valeur aux yeux de Dieu… Et ce que les évangélistes ont transmis, ce ne sont pas seulement des événements du passé, lorsque Jésus a vécu sur notre terre ; mais cela concerne notre présent : l’Eglise est placée sous la seigneurie du Christ crucifié et ressuscité ; elle vit sous le signe de la croix et dans la lumière de la résurrection. La paix avec Dieu est autre chose que de la résignation ou une pieuse béatitude. Elle signifie que notre position vis-à-vis de Dieu a changé radicalement : de coupables destinés à la condamnation, nous sommes devenus des graciés, des « justifiés », ayant la possibilité de s’adresser à Dieu librement comme à leur Père. Un Père qui reste présent à nos côtés dans les moments de joie comme dans les moments de souffrance. Sa présence, nous la célébrons lors de chaque culte du dimanche, premier jour de la semaine, jour de la résurrection. Cette présence nous fortifie, nous renouvelle, nous vivifie et nous sanctifie. Merci Seigneur pour ce don si merveilleux, merci pour la paix du cœur, offerte en Jésus ! Amen.
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JEM n° 739 : «Devant le trône»