Prédication du 26 mai 2024.

Prédication apportée par le pasteur Charles Nicolas.

Souffrir AvecChrist-Ch.N-26.05.2024

Etre prêt à souffrir
Jean 15.18-21 ; Actes 5.27-29, 40-42 ; 2 Timothée 2.1-7
Plusieurs croient que la venue de Jésus sur la terre (ou dans notre vie) met fin à toutes
les épreuves. Et certains croient que, si avec la venue de Jésus il reste encore quelques
difficultés, avec la venue du Saint-Esprit, là c’est vraiment terminé. La Bible laisse-t-
elle entendre quelque chose comme cela ? Pas vraiment.
1. Du fruit et des épreuves
Le chapitre 15 de l’Evangile de Jean commence par la parabole du cep et des sarments.
Cette parabole parle-t-elle du Saint-Esprit ? Bien sûr ! C’est lui qui prend la sève du
cep et la fait passer dans le sarment (cf. Jn 16.14). Cela suppose une greffe, qui fait du
sarment et du cep une même plante ! Si vous demeurez en moi et si je demeure en vous,
alors vous porterez beaucoup de fruit. C’est une parole magnifique que l’on ferait bien
de se rappeler tous les jours1. Tout cela, c’est le Saint-Esprit qui le rend possible.
L’objectif principal est-il que nous soyons plus heureux ? Pas vraiment. C’est pour
que Dieu soit glorifié, dit Jésus. Mais n’y a-t-il pas de la joie à appartenir au Seigneur et
à ce que son Nom soit glorifié ? Bien sûr que oui ! Mais le but n’est pas que nous
soyons plus heureux, dans le sens où on l’entend généralement. Jésus n’est pas venu sur
la terre pour être plus heureux. Certes, il a dit : Ma joie est parfaite (Jn 17.13), mais la
souffrance a marqué profondément sa vie sur la terre.
Juste après la parabole du cep et des sarments, Jésus laisse entendre qu’il en sera de
même pour nous si nous sommes attachés à lui : S’ils m’ont persécuté, ils vous
persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre (Jn 15.20).
C’est pourquoi j’ai appelé ce premier point de mon message : Du fruit ET des épreuves.
Pas que des épreuves ; pas que du fruit. Il est important de le savoir.
Après son baptême, l’Esprit est descendu sur Jésus ; puis ce même Esprit l’a conduit au
désert pour y être éprouvé.
A la Pentecôte, quand l’Esprit vient sur les disciples, on commence par se moquer
d’eux ! Puis on leur interdit d’annoncer le nom de Jésus. Défendons-leur avec des
menaces de parler désormais à qui que ce soit en ce nom-là (Ac 4.17)2. Peu après, de
nouvelles menaces : Ne vous avons-nous pas défendu d’enseigner en ce nom-là ? Les
apôtres sont battus de verges avant d’être relâchés (Ac 5.28-40).
Je crois que si cela nous arrivait, nous dirions au Seigneur : Seigneur, il y a une erreur !
Certains diront : Oui, mais c’était avant la Pentecôte. Non, c’était après.
1 Jésus dit même : S’il en est ainsi, demandez ce que vous voudrez et cela vous sera accordé.
2 Cela rappelle certaines circonstances que l’on peut observer aujourd’hui dans notre pays…
2. Arrêtons de rêver, soyons prêts à souffrir
Je suis étonné de voir le mot rêve apparaître ici et là dans le discours chrétien. Pourtant,
les espoirs sans fondement, les attentes trop grandes, nourrissent de fausses joies, puis de
la colère, ou de la dépression. Les addictions dont on parle de plus en plus sont
généralement nourries par des attentes trop grandes et sans fondement.
Dans la seconde moitié de sa vie, Victor Hugo est progressivement passé du
conservatisme au progressisme et au socialisme. J’ai relu il y a peu un de ses poèmes
intitulé Lux (la lumière), écrit alors qu’il avait plus de 50 ans. Je lis la première et la
dernière strophe :
Temps futurs ! Vision sublime ! Les peuples sont hors de l’abîme.
Le désert morne est traversé. Après les sables, la pelouse ;
Et la terre est comme une épouse, Et l’homme est comme un fiancé.
Au fond des cieux un point scintille. Regardez, il grandit, il brille,
Il approche, énorme et vermeil. O République universelle,
Tu n’es encor que l’étincelle, Demain tu seras le soleil !
Il parle à la République ! Imagine-t-il la guerre de 1870, la guerre de 1914,
épouvantablement meurtrières l’une et l’autre ? Imagine-t-il le Goulag soviétique et ses
20 millions de déportés ? Et la Seconde guerre mondiale ?
Je pense au pape Paul VI qui proclame en 1963 à la tribune des Nations unies : Plus
jamais la guerre ! Jésus dit-il cela ? Jésus n’a jamais dit cela.
Laissons les hommes forger des rêves si cela leur fait du bien, mais laissons cela à ceux
qui n’ont pas d’espérance. L’Evangile n’est pas un rêve pour nous aider à vivre.
Beaucoup d’incroyants pensent cela pourtant. Et un certain nombre de chrétiens aussi.
Vous savez pourquoi le Saint-Esprit est envoyé aux disciples ? Pour qu’ils soient des
témoins fidèles – d’abord par leur vie, puis par leurs paroles, quel que soit le prix à
payer. En grec, le mot témoin se dit martyrios. Le chrétien ne recherche pas le
martyr, mais il ne l’exclut pas.
Le chrétien n’est pas joyeux parce que tout se passe bien ; le chrétien est joyeux quand il
a été fidèle, parce que le Saint-Esprit lui fait sentir dans le cœur l’approbation de Dieu.
Seigneur, fais que tout aille bien est la prière des païens.
Seigneur, fais que je sois fidèle est la prière des chrétiens.
Ils les firent battre de verges, ils leur défendirent de parler au nom de Jésus, et ils les
relâchèrent. Les apôtres se retirèrent, joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des
outrages pour le nom de Jésus (Ac 5.40-41). Voilà ce que fait le Saint-Esprit.
3. Et nous, où en sommes-nous ?
Si nous sommes devenus chrétiens pour souffrir moins, il y a un problème.
Un sondage pour le Wall Street Journal en 2019 révélait que quatre jeunes adultes
américains sur cinq estiment que “l’épanouissement personnel” est le secret d’une vie
réussie. Voilà la génération qui se livrera au soft-totalitarisme, écrit le journaliste
chrétien Rod Dreher. Les jeunes chrétiens pratiquants n’ont pas la capacité d’y résister
parce qu’on leur a répété que pour réussir sa vie, il fallait vivre sans souffrir ! La seule
foi qu’ils ont apprise est un christianisme sans larmes.
L’avenir qui se prépare conduira probablement les chrétiens à expérimenter ce que
signifie souffrir pour sa foi. Rod Dreher cite le pasteur Sipko (de République Tchèque) :
S’il n’y a pas la volonté de souffrir, et même de mourir pour le Christ, tout n’est
qu’hypocrisie, tout n’est que recherche de réconfort. Quand je rencontre des frères dans
la foi, en particulier des jeunes, je leur demande de me citer trois valeurs chrétiennes
pour lesquelles ils sont prêts à mourir. C’est là que vous pouvez tracer une ligne entre
ceux qui sont sérieux et ceux qui ne le sont pas.
Quel chrétien, aujourd’hui, est prêt à souffrir par fidélité à l’Evangile ? C’est-à-dire
non pas à gagner quelque chose, mais à perdre quelque chose, si Dieu le demande, à
cause de l’Evangile ?
Dans son livre Résister au mensonge3, Rod Dreher écrit : Ne craignez pas de paraître
bizarre aux yeux de la société. Le genre de chrétiens que nous serons à l’heure de
l’épreuve dépend du genre de chrétiens que nous sommes aujourd’hui4.
Le refus de souffrir, le désir d’être approuvé par tous, conduit à être lâches, à trahir.
Comment réagirons-nous quand on va nous demander d’acquiescer à des principes
contraires à ceux de la Foi ? Comment nos enfants ou nos petits-enfants vont-ils se
comporter dans la cour de l’école ? Où sont leurs modèles ?
Toi donc, mon enfant (écrit Paul à Timothée), fortifie-toi dans la grâce qui est en Jésus-
Christ. Souffre avec moi, comme un bon soldat de Jésus-Christ (2 Tm 2.1,3).
Je conclue avec cette citation de Félix Neff (1797-1829), l’apôtre des Hautes-Alpes : Tout
est provisoire en ce monde, l’Eglise comme le reste. Et pour une nuit que nous y
passons, il n’est pas nécessaire d’y bâtir une forteresse : une légère tente ou un chariot
couvert, tels les peuples nomades, sont plus que suffisants. Demain, s’il plaît au
Seigneur, nous serons dans la cité de Dieu. Est-ce triste ? Bien au contraire !
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3 Je peux envoyer un abrégé en 7 pages de ce livre. ch.nicolas30@laposte.net
4 Rien n’est plus important que la construction de la résistance chrétienne au totalitarisme à venir. Cela signifie aussi
accepter de passer pour un extravagant aux yeux de la culture contemporaine, même au sein de l’Eglise.
Annexes
Accepter d’être différents
Un enfant de 10 ans est dans la cour de son école. C’est un enfant de chrétiens – donc un petit
disciple. Question : cet enfant sera-t-il en mesure de dire à ses petits camarades : Oui, oui, oui, mais là
non ? S’il dit toujours non, il y a un problème (je dirais même un problème sérieux).
Et s’il dit toujours oui ? Il y a aussi un problème, pas moins sérieux. Dans le premier cas c’est un
problème de sociabilité ; dans le second c’est un problème de conscience. L’un est seulement horizontal,
l’autre est aussi vertical. Je crois que le problème de conscience est le plus sérieux.
La question est : comment cet enfant va-t-il tenir bon ? La réponse, je crois, est celle-ci – à moins
que Dieu se soit déjà puissamment révélé à lui, ce qui est possible : Il tiendra bon si ses parents
tiennent bon à la maison et partout ailleurs. On peut ajouter que ce sera plus facile pour lui s’il y a
un deuxième enfant dans cette cour d’école qui, lui aussi, a le courage de dire non quand il le faut.
Sinon, ce sera très dur.
Rod Dreher écrit : Sous le soft totalitarisme qui vient, les chrétiens devront redoubler d’attention pour
la vie de famille. Nous ne pouvons pas nous contenter de vivre comme toutes les autres familles, à la
différence près que nous nous rendons à l’église le dimanche. L’époque où l’on vivait comme tout le
monde en espérant que nos enfants s’en sortent est révolue5.
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Admirateur ou disciple ?
Rod Dreher : L’admirateur [du Christ] aime lui être associé, mais quand les difficultés arrivent, il essaie
de mettre de la distance entre lui-même et le Seigneur. L’admirateur recherche le réconfort et les
avantages qui vont avec la foi chrétienne, mais que le vent tourne et que la figure du Christ devienne
objet de scandale, et il disparaît. L’admirateur est incapable du moindre sacrifice. Il préfère la prudence.
S’il est capable de dire, de chanter, de crier sans cesse à quel point il loue le Seigneur, il ne renonce à
rien, ne change pas de vie et ne fait pas en sorte que son existence tout entière reflète Celui qu’il
admire. N’ayez pas peur et agissez toujours comme vous pensez que le Christ agirait à votre place dans
la situation particulière où vous vous trouvez, répétait le père Kolakovic.
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Notre culture pré-totalitaire
Rod Dreher6 : Le marxisme est un ensemble de doctrines théoriques, difficiles à appréhender par les
non-spécialistes. Il a fait fureur parmi la classe intellectuelle russe parce que ses promoteurs le
présentaient comme une religion laïque pour un monde post-religieux. Marx croyait que ses
enseignements étaient fondés sur la science, laquelle avait au XIXe siècle remplacé la religion comme
principale autorité intellectuelle.
Le marxisme, c’était l’avenir. Il était synonyme de progrès. Son évangile alluma un feu dans l’esprit des
radicaux prérévolutionnaires, dont les prêtres et les prophètes étaient les intellectuels qui avaient en
quelque sorte pour religion de ne pas en avoir. Leur victoire prouva que sous certaines conditions, une
minorité capable et déterminée peut obtenir sur une masse désorganisée, sans chef et indifférente, un
pouvoir absolu. Tous les artistes et les intellectuels prônaient les idées communistes. Ceux qui n’étaient
5 On me demande souvent d’intervenir pour des week-ends sur le thème de la famille, de la maison.
6 Son livre Résister au mensonge (Artège, 2021).
pas d’accord étaient mis à l’écart, et ce près de deux décennies avant que le communisme ne prenne
effectivement le pouvoir.
Comme l’ont fait les révolutionnaires marxistes russes, nos [progressistes] croient que la science est de
leur côté, même lorsque leurs allégations ne sont pas scientifiques. Par exemple, les militants de la
cause transgenre affirment que leurs croyances radicales sont scientifiquement fondées. Les
scientifiques et les médecins qui ne sont pas d’accord sont chassés de leurs institutions ou poussés au
silence à force d’intimidation. Les sectateurs de la justice sociale sont des utopistes qui croient que
l’idéal de progrès implique de détruire toutes les anciennes normes pour libérer l’humanité.
Contrairement à leurs prédécesseurs bolchéviques, ils ne veulent pas saisir les moyens de production
économique, mais les moyens de production culturelle.
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Le capitalisme woke veille
Rod Dreher : Les pratiques des entreprises se transforment au nom de la trinité “équité, diversité et
inclusion”. Plusieurs se sont vus obligés de participer à l’activisme LGBT au travail. Le capitalisme
woke (= éveillé] est aujourd’hui, dans la nouvelle religion à l’œuvre, le plus puissant agent de
transformation, car il unit l’idéologie progressiste à la force de frappe du consumérisme et de l’argent.
Le but est de présenter des produits et des services adaptés aux préférences individuelles. A première
vue, rien de bien méchant : il s’agit tout simplement de ciblage publicitaire. Mais cette façade
inoffensive cache une réalité nettement plus sinistre. Les maîtres de la data ne se contentent plus de
trouver ce que l’on aime : ils cherchent activement à nous faire aimer ce qu’ils veulent que l’on aime
sans que leurs petites manipulations soient détectées.
L’Occident moderne ressemble à une société pré-totalitaire décadente. Les élites intellectuelles,
culturelles, universitaires et corporatives sont sous l’emprise d’un culte politiquement classé à gauche,
construit autour d’une prétendue “justice sociale”. C’est une idéologie ouvertement illibérale qui a un
nombre alarmant de points communs avec le bolchévisme. Cette pseudo-religion, qui semble répondre
à un besoin de sens et de morale dans notre société post-chrétienne, cherche à rétablir la justice en
diabolisant, en excluant et même en persécutant tous ceux qui résistent à ses dogmes implacables.
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Rien n’a plus de valeur que la vérité
Rod Dreher : Soljenitsyne n’était pas le seul dissident à avoir compris que le cœur de la résistance au
totalitarisme consistait à “vivre sans mentir”. Le système [totalitaire] ne peut perdurer que si tout le
monde vit dans le mensonge.
Comment s’y prendre ? En acceptant de vivre en dehors du courant dominant, en défendant
courageusement la vérité et en se préparant à en subir les conséquences. Il n’y a là rien d’aisé, mais nous
avons la chance d’avoir été précédés par des saints dont nous pouvons suivre l’exemple.
Etre baptiste en Russie soviétique signifiait être relégué au ban de la société. Beaucoup choisirent
d’endurer ces difficultés parce qu’ils avaient la conviction que la vérité était incarnée en Jésus-Christ et
que vivre loin de lui signifiait vivre un mensonge. Pour les baptistes, se compromettre avec des
mensonges dans l’espoir de connaître une vie paisible revenait à s’agenouiller devant la mort. S’il nous
faut vivre dans un monde de mensonge, au moins pouvons-nous choisir de ne pas laisser ce monde
vivre en nous.
S’il est impératif de lutter contre l’assimilation au mensonge, lutter contre le mensonge ne signifie pas
refuser tout compromis. La vie ordinaire, dans toute société, exige que l’on évalue quels combats valent
la peine d’être menés dans un contexte donné. Parfois le silence est un acte de résistance. Défendre la
vérité peut se faire autrement qu’en la criant à tue-tête. Garder le silence quand on attend de vous que
vous parliez, c’est aussi dire la vérité. ______________