Je vous invite ce matin à nous poser la question suivante : Quelle est la mission que le Seigneur nous assigne dans sa Parole ? A quoi sommes-nous destinés ? Avons-nous un rôle à jouer, une tâche à accomplir pour Dieu dans ce monde ? Pour ce faire, je vous propose un texte assez connu, et très riche en enseignement pour nous.
Ce texte nous parle d’un envoi en mission. On pourrait se contenter de dire cela et penser que cela ne nous concerne pas, car il s’agit de disciples, dans un contexte bien particulier. Au mieux cela concernerait peut-être les missionnaires, pensons-nous !
Or il n’en est rien ! Ce texte nous rejoint beaucoup plus qu’il n’y paraît au premier abord, beaucoup plus que nous le voudrions peut-être ! Il convient donc de s’arrêter et, dans l’humilité, d’écouter comment le Seigneur, par sa Parole, s’adresse à nous aujourd’hui ; à nous en tant qu’église, mais aussi à nous individuellement.
* Lecture
Tout d’abord, j’entends dans ce passage une question fondamentale : comment faire encore entendre le message de l’évangile autour de nous ? Comment toucher nos contemporains ? Comment subsister, pas seulement financièrement, mais aussi moralement, dans un contexte qui nous marginalise ? Devons-nous tout faire pour être accessibles à tous au nom de l’amour de Dieu ? Ou alors faut-il prendre le risque de diviser et oser déplaire, au nom du jugement que pourrait porter ce même évangile sur certaines dérives de notre monde ? On se rend bien compte que la réponse ne sera pas simple.
Nos Églises historiques ont perdu l’habitude d’aller à la rencontre des gens. Pendant des siècles, on y venait. Tout le monde en était. Elles étaient nécessaires, centrales.
Oui, mais nous avons laissé de côté le mandat que Dieu nous a confié, que ce soit à la fin de l’évangile de Matthieu ou au début du livre des Actes. Notre vocation est de faire des disciples, d’être les témoins du Christ, de le faire connaître au monde !
Ce texte nous rappelle le caractère précaire, itinérant et inconfortable de tout témoignage. Les 70 envoyés ont pris le même chemin que Jésus qui n’avait pas même de pierre où poser sa tête. En contradiction avec notre besoin de certitudes, avec nos préjugés et avec notre refus du changement, nous sommes appelés nous aussi à ne pas nous reposer sur nos oreillers. A ne pas nous cacher derrière notre petitesse, notre incapacité. A ne pas nous dédouaner sur les missionnaires et autres ministres dont c’est « le travail ». A nous laisser interroger par un monde en perpétuel changement sans pour autant tomber dans l’obsession de la séduction. Nous ne vendons pas un produit, nous annonçons la Bonne Nouvelle du Royaume. Mais nous ne pouvons pas non plus ignorer les questions qui agitent le monde sous prétexte que tout est provisoire et relatif.
Avant de voir qui est envoyé, par qui, comment et pourquoi, une première prise de conscience s’impose, aujourd’hui comme hier : « la moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers » (v. 2). Ce n’est pas du défaitisme, c’est une réalité, une réalité que Jésus lui-même expose ici. Or le dire ou en être conscient, cela ne suffit pas. C’est une réalité qui doit nous pousser à la prière, puisque c’est ce que Jésus commande ici ; il faut prier !
Avec plus de 8 milliards d’humains dans un monde largement déchristianisé, la moisson n’a jamais été aussi grande. Mais souvenons-nous que la prière nous engage. Nous ne devrions pas prier pour les autres ce que nous ne voulons pas pour nous-même. « Pourrais-tu envoyer des ouvriers ? Je veux bien donner de l’argent pour les financer… ». Il faut aussi être prêt à ce que parfois, c’est nous que Dieu a choisi d’envoyer !!
Le départ des disciples n’est pas lié à une option personnelle, c’est Dieu qui prend l’initiative d’envoyer pour cette mission. Et ici, le nombre d’envoyés n’est apparemment pas anodin : 70 (ou 72, selon les traductions) : au-delà de la réalité (il y avait effectivement 70 ou 72 envoyés en mission par Jésus), ce chiffre est plein de symbolique également pour les nations du monde :
En Gen.10, nous trouvons 70 noms (selon la Bible hébraïque) de personnes mentionnées comme nations issues des fils de Noé (ou 72 selon la Septante). L’Evangile est donc pour le monde entier !
D’autres ont associé ces 70 avec le nombre des anciens établis par Moïse sur le peuple (Nb.11 :16, 24-25) (72 si on compte Eldad et Médad, qui étaient restés au camp : Nb.11 :26ss.) L’Esprit du Seigneur est pour l’ensemble du peuple de Dieu, pour l’ensemble de l’Eglise !
D’autres pensent aux 70 membres du Sanhédrin, les leaders religieux qui se préparaient à la venue du Seigneur. Jésus était venu pour les Juifs aussi !
En tous les cas, ce chiffre symbolise la plénitude (7, 70, …), la totalité. C’est pour tout le monde, il n’y a pas d’élitisme (cf. I Pi. 2 :9-10 : nous sommes tous prêtres, sacrificateurs, c’est ce qu’on appelle le ‘sacerdoce universel’).
Et le fait d’être envoyés deux par deux est aussi significatif ; car l’envoi en mission n’isole pas les disciples les uns des autres. Il y a donc nécessité d’une fraternité, d’une collaboration ; la communion dans la communauté est importante. Voilà pourquoi, si nous sommes tous appelés à témoigner de notre foi, ce mandat est aussi communautaire, notamment car la charge est moins lourde quand elle est partagée, mais aussi car, d’après le livre du Deutéronome, il faut au moins deux témoins pour attester de la véracité d’un fait.
Dans quel endroit les disciples devaient-ils aller ? Y a-t-il pour nous des ‘endroits ciblés’, des lieux privilégiés ? Là, et pas là-bas ? (…) – Non, car la réponse de Jésus est claire : ‘… dans toute ville et tout endroit où lui-même devait aller’ (v.1). La ‘moisson est grande’, a-t-on constaté. Il y a beaucoup de travail, beaucoup de ‘champs de mission’. Oui, mes frères et sœurs, la mission commence dès que nous franchissons le paillasson de notre maison, et parfois d’ailleurs même chez soi, au milieu des siens, dans son environnement le plus proche. Jésus a bien dit, en Ac. 1 : 8 : ‘Vous serez mes témoins, à Jérusalem, en Judée, en Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre’.
Quel est notre ‘Jérusalem’ à nous, notre ‘Judée’, etc… ? Et dans quel genre d’environnement sommes-nous appelés à témoigner ? Dans un champ de fleurs, où les oiseaux chantent ? L’environnement est-il facile ?
Jésus envoie ses disciples comme des brebis au milieu des loups et là, on s’attendrait à ce qu’il leur donne des instructions pour se protéger du danger. Mais non, ses instructions sont de partir léger et de ne pas traînasser en chemin, de ne pas se laisser détourner de l’urgence de la mission.
‘L’homme est un loup pour l’homme’, avait dit le philosophe anglais du 17ème siècle Thomas Hobbes, et c’est bien vrai. Il n’y a qu’à lire les journaux, écouter la radio ou la télé, ou même se promener dans la rue, aller dans les cours des écoles et collèges, etc…, pour constater que des gens sont froids, durs, sans pitié, violents, méchants : cela se vérifie tous les jours. Nous devons en tout cas être conscients que nous sommes dans un environnement hostile et dur, qui n’est pas – de prime abord – ouvert à Dieu et à la prédication de la Parole.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des gens ouverts à l’Evangile, heureusement. Mais cela veut dire que ce n’est pas forcément évident et gagné d’avance ; nous devons en être conscients, prier,… et rester humbles devant Dieu !
La première chose que Jésus demande à ses disciples lorsqu’ils arrivent dans une maison c’est d’y apporter la paix. La seule condition à cette paix est qu’elle soit reçue par la maison.
Cette paix, c’est le ‘shalom’, qui est le salut en hébreu (encore aujourd’hui) : cela signifie la sérénité, le calme, la tranquillité ; Jn.14 :27 : Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix’, dit Jésus. Est-ce que nous proclamons toujours ce message de paix à nos contemporains ? Or ils en ont besoin face à la violence ambiante, environnante, à tous les films violents, de même que certaines B.D. ou autre littérature ; les gens ont l’air d’aimer cela, mais au fond d’eux-mêmes, aspirent-ils vraiment à cela ? Qu’ils sont beaux sur les montagnes, les pieds du messager de bonnes nouvelles, qui publie la paix ! Du messager de très bonnes nouvelles, qui publie le salut ! Qui dit à Sion : Ton Dieu règne !’ (Es.52 :7).
Si Jésus a d’aborddemandé à ses disciples de ne pas perdre de temps en chemin, il leur demande maintenant de prendre du temps une fois accueillis.
Jésus leur demande de vivre avec la maison, de rester, de manger, de boire ce qu’on leur donnera là… Il y a l’idée de vivre avec les gens qui nous entourent, de vivre de la même manière qu’eux, de partager leur quotidien, leurs joies et leurs peines, de s’intéresser à eux… C’est dans l’intimité du foyer de chacun que commence la mission.
S’asseoir et manger avec quelqu’un, ça n’a l’air de rien. Mais les évangiles nous montrent que c’est une attitude qui peut être puissamment subversive. Elle fait bouger les frontières entre les notables et les infréquentables, entre les proches et les étrangers, entre les amis et les ennemis.
‘Dites-leur : Le Royaume de Dieu s’est approché de vous’ (v.9b).
Et nous, alors, quel message proclamons-nous ? Est-ce un message de paix, de bonnes nouvelles, de délivrance et libération des captifs (de l’alcool, de la drogue, des prisons, de la mode, du travail, du ‘qu’en dira-t-on’, de la télévision, de l’égoïsme et de l’orgueil, de la violence, etc…, dont sont enfermés nos contemporains) ? Manifestons-nous des gestes concrets d’amour, des choses que les gens peuvent toucher, palper ? (cf. œuvres sociales de nos Eglises, etc…).
Le royaume qui est annoncé, c’est le règne de Dieu par Jésus-Christ dans le cœur et la vie des gens. Nous n’annonçons pas la solution aux problèmes extérieurs des gens mais la solution aux problèmes de leurs cœurs.
Jésus leur ordonne de guérir les malades et d’annoncer le message de l’évangile.
Jésus prévient au verset 1 qu’il les envoie devant lui porter son message et que lui-même vient après. De même aujourd’hui, notre responsabilité est d’annoncer fidèlement l’Évangile tel que Dieu nous l’a transmis dans sa Parole. C’est Jésus par son Esprit qui convainc les cœurs selon le plan éternel de Dieu.
Jésus les prévient à l’avance, il y a des villes où vous ne serez pas accueillis ! Ne perdez pas de temps ! Tant que l’on vous accueille et que l’on vous permet d’annoncer l’Évangile dans une ville faites le… Si la ville ne vous accueille pas, partez, ne perdez pas du temps… Il y a d’autres villes, d’autres personnes… Partez, mais avertissez avec le même message parce que le message reste valable.
Si lorsque vous annoncez l’Évangile, vous êtes rejetés, dites-vous que ce qui est le plus triste c’est que c’est Jésus qui est rejeté et que ce rejet attend un châtiment plus grand que celui de Sodome et Gomorrhe.
Nous n’avons pas à devenir de super communicants. Nous n’avons pas à succomber à l’obsession de la visibilité dans un monde saturé de divertissements et de loisirs.
Nous n’avons pas à séduire à tout prix. Parce que l’Évangile reste exigeant. Il relève de la grâce, pas de la flatterie. Il nous dépouille de nos sécurités et de notre confort intellectuel.
Ceux qui ne l’écoutent pas vont peut-être avoir plus de peine à identifier les pensées toxiques comme le culte de la performance, l’obsession de la croissance, l’intolérance ou encore les névroses qui gangrènent notre société. Mais nous serons là, au milieu d’eux, pour faire entendre une autre voix. Pas parce que nous voulons du succès à tout prix. Mais parce que nous nous devons aussi de conserver une certaine intransigeance à l’égard de tout ce qui met en péril la dignité de nos semblables.
Bien sûr, remplir un temple, c’est formidable. Toucher les gens, c’est merveilleux. Mais si le monde se fait sourd et aveugle, nous n’avons pas à nous enfermer dans une culpabilité sans fin. De même, si la fatigue nous gagne parfois. Les disciples peuvent sans aller, sans emporter le moindre grain de sable sous leurs pieds. C’est une manière de laisser ses regrets derrière soi. Car tout ne dépend pas de nous.
Les disciples se réjouissent de « leur pouvoir » et peut être aimerions nous être nous aussi des « super disciples » avec des super pouvoirs ». Mais Jésus lui-même rempli de joie les appelle à se réjouir de ce que leurs propres noms sont écrits dans les cieux.
Le v.20 remet les pendules à l’heure, le fait de prendre conscience des vrais enjeux, des choses vraiment importantes : non le pouvoir sur les démons, ni même les guérisons, … mais ceci : ‘vos noms sont inscrits dans les cieux’. Ce qui importe avant tout, c’est la conversion, la nouvelle naissance, avec pour conséquence une place qui nous est réservée dans les cieux !
Nous apportons la paix, mais, qu’on la reçoive ou non, le royaume de Christ est venu jusqu’au monde. Nos noms sont écrits dans les cieux ! C’est la révélation d’un peuple céleste ! Dire que nos noms sont écrits dans les cieux, c’est dire notre appartenance à la famille de Dieu, c’est dire notre place dans la patrie céleste, c’est dire quelque chose de la vie éternelle dans la présence de notre Sauveur. Mais avant tout cela, dire que nos noms sont écrits dans les cieux, c’est rappeler que c’est Jésus lui-même, par le pardon acquis pour nous à la croix, qui les y a écrits ! La seule légitimité à ce que nos noms soient écrits dans les cieux, c’est le sang de Christ qui nous l’accorde ! Et c’est l’amour du Père qui le permet ! Tel est le témoignage de Christ lui-même, ferme, solide et précieux, et auprès duquel, même les miracles ne peuvent, en aucune manière, avoir une pareille puissance de joie. Le Fils de Dieu vient du ciel et peut nous dire ce qui y est écrit. Ce n’est pas une chose passagère, mais une chose écrite, solidement établie, et il peut nous la communiquer. Quoique nous soyons sur la terre, nos noms sont déjà en la présence de Dieu, mais la connaissance de ce fait nous est donnée sur la terre pour notre joie. Si l’on saisit une telle source de grâce, il n’y a aucune difficulté à comprendre la gloire qui en découle ; cela nous rend le ciel naturel et familier, que d’y avoir nos noms écrits. Et par extension cela nous rend le monde inconfortable puisque ce n’est pas notre patrie…
Le Dieu qui règne dans les cieux et sur la terre a envoyé son Fils pour sauver des pécheurs ! L’Évangile sauve encore aujourd’hui ! Sommes-nous de ceux qui se lèveront pour participer à cette œuvre à laquelle le Seigneur nous appelle ? Avons-nous soif de voir des âmes se tourner vers Dieu et être sauvées ? Éprouvons-nous de la joie lorsque nous voyons quelqu’un venir à Christ ? En tout cas il y a de la joie dans le ciel !
Et c’est cette confiance en un Dieu qui ne nous envoie pas seulement dans le monde, mais qui nous y accompagne, qui peut nous offrir la joie la plus profonde. Amen.