Prédication apportée par la pasteur Clémence Bury.
Philippiens 3 : 8-14
Courir dans le calme !
* Prière
* Lecture
Il y a plus de 18 ans, Loïc et moi étions quelques jours à Paris pour faire du tourisme. Nous prenions les métros et autres RER pour circuler d’un endroit à l’autre. Tout à coup, au cœur d’un de ces trajets, nous nous sommes arrêtés, nous nous sommes regardés, et nous nous sommes posés cette question : pourquoi courons-nous ?! Nous étions en vacances et pourtant, nous étions malgré nous en train de courir comme si notre vie en dépendait ! Nous avions été comme contaminés par le mouvement ambiant de la foule qui courait, se bousculait. Les gens lisaient leur roman en marchant (pour ne pas dire en courant) entre deux métros. C’était surréaliste !
Force est de constater que le phénomène ne s’est pas arrêté, et même qu’il s’amplifie inexorablement. Les gens courent, la société court. Tout doit toujours aller plus vite, être plus rentable, il nous faut faire de plus en plus de tâches en même temps.
Bref, on privilégie la quantité plutôt que la qualité. Plutôt que de bien accomplir une tâche importante, on va en bâcler trois à la fois. Et cette tendance se retrouve dans tous les domaines et à tous les niveaux. Je donne un exemple concret : quand hier encore, on apprenait à l’enfant d’école primaire à « bien » écrire, aujourd’hui on lui demande d’écrire « vite ». Et tant pis si c’est à peine lisible ! Tant pis si c’est rempli de fautes ou raturé. Il faut aller vite ! Il paraît d’ailleurs que les mots que les jeunes enfants entendent le plus à leur maison, c’est « dépêche-toi » ! N’est-ce pas désolant ? N’est-on pas repris, en tant que parent, quand on constate que ce phénomène ne nous épargne pas ?! Moi je le suis !
Or il est intéressant de constater que nulle part dans la Bible on n’entend Dieu dire à quelqu’un de se dépêcher ! Il y a certes des moments propices à ne pas rater, des « kaïros », des « aujourd’hui » (« c’est aujourd’hui le jour du salut », « aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis »), mais jamais Dieu ne nous dit « dépêche-toi » !
Le rythme effréné est devenu la norme, on mesure l’« utilité » ou l’importance d’une personne à sa non-disponibilité, ce qui est dingue finalement ! Et on court après le temps qui passe, ce temps qui nous manque de plus en plus cruellement. Cela entretient notre perception que le temps nous échappe, qu’il passe trop vite, que nous n’avons pas le temps de faire ceci ou cela… Or cela est complètement subjectif ! Il suffit d’aller passer quelques jours dans un autre pays, dans une autre culture, pour s’en persuader. Rien qu’entre Paris et Marseille la différence est nette ! Mais si l’on voyage en Afrique ou en Asie par exemple, cela va nous frapper de plein fouet ! Pourtant, les jours ont partout 24h !!!
Paradoxalement, on voudrait profiter de nos temps dits de repos, de loisir, mais là aussi on en devient incapables ! On court encore, on remplit le planning d’activités censées nous détendre, nous faire du bien, nous divertir, nous abrutir parfois ! Et nous ne prenons plus de temps pour ce qui est vraiment important : être avec nous-mêmes, être avec Dieu, être avec ceux que l’on aime… Pas « faire », mais « être », tout simplement.
La société pense-t-elle pouvoir annuler les effets du temps qui passe en courant ainsi, pense-t-elle pouvoir échapper à la mort dont elle a si peur ? C’est bien souvent l’inverse qui se produit ! « Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie ? » interpelle Jésus en Matthieu 6 : 27. Nous pouvons également écouter ce que disait à ce propos un sage de Jérusalem, appelé l’Ecclésiaste, il y a près de trois mille ans : « J’ai considéré l’ensemble de mes réalisations, et toute la peine que je m’étais donnée pour les accomplir. Et je me suis rendu compte que tout est dérisoire : autant courir après le vent. Il n’y a aucun avantage à tout ce qu’on fait sous le soleil » (Ec 2 :11).
Alors à quoi bon courir, surtout si on ne sait pas où on va ? Et c’est bien là le problème de nos contemporains : ils ne savent absolument pas où ils vont ! Ils courent, mais sans objectif, sans but, sans certitude… Qu’y a-t-il de plus angoissant ?
Et nous, pourquoi courons-nous ? Est-ce parce que tout le monde autour de nous court ? Avons-nous un objectif ? Si oui, lequel ?
L’apôtre Paul (et d’autres) emploie souvent la métaphore de la course (Ph. 3 : 14 ; 1 Co. 9 : 24 ; 2 Tim. 4 : 7 ; Hé. 12 : 1). La grosse différence avec la course du monde que nous venons de décrire, c’est que là l’objectif est connu !
Et cet objectif n’est ni la gloire personnelle, ni le pouvoir, ni la rentabilité, ni l’adulation ou l’admiration des foules, ni la victoire humaine contre la mort et le temps…
Et pourtant, l’objectif est bien la gloire, mais une gloire conforme à celle de notre Seigneur Jésus, c’est le pouvoir puisque nous serons associés à Son règne, c’est la rentabilité puisque nous serons parfaits et accomplis, c’est l’adulation puisque nous sommes appelés saints et fils du Très-Haut et que nous recevrons la couronne promise au vainqueur, c’est la victoire contre la mort et le temps puisque c’est l’éternité qui nous attend…
La différence, c’est que toutes ces choses ne sont pas des trophées à arracher et à conquérir par nos propres forces ou par notre volonté ; ce sont des promesses de grâce déjà acquises pour celui et celle qui croit, pour celui et celle qui place toute sa confiance et son espérance dans le Seigneur Jésus-Christ, Lui le Fils du Père, qui nous donne Son Esprit.
Oui, nous sommes appelés à courir d’une certaine façon, mais cette course n’a rien à voir avec celle du monde qui nous entoure. C’est une course qui se vit dans le calme et la confiance (oui, c’est un oxymore, tout au moins un paradoxe !). C’est une course dont l’issue victorieuse est certaine puisqu’elle ne repose pas sur nos capacités. Cela enlève déjà une grosse pression, non ?!
C’est une course qu’on appelle sanctification, ou marche chrétienne ; une course qui nous conduit à la croissance et à la maturité en Christ.
Cette course repose d’abord sur un acquis qui est la gloire de Christ. C’est parce que Christ est glorifié et que nous sommes assis avec Lui dans les lieux célestes, parce que nous pouvons Le contempler dans Sa gloire, que nous pouvons entrer dans cette course. Voilà pourquoi la conscience de la gloire de Dieu est tellement importante ! La source dont provient notre capacité à faire cette course est donc la gloire de Christ.
Cette course s’accomplit et se poursuit ensuite à l’aide de moyens qui sont indépendants encore une fois de nos capacités, par l’Esprit de Christ. C’est l’Esprit Saint en nous qui va travailler à cette croissance, à cette maturité, à cette sanctification. C’est l’Esprit qui va nous enseigner, nous convaincre, nous redresser parfois, pour que nous ne sortions pas de la course. Le moyen de poursuivre cette course est donc l’Esprit de Christ.
Cette course, enfin, tend vers un but, qui est la ressemblance à Christ. C’est parce que nous aimons Dieu, parce que nous avons accepté l’œuvre de salut qu’Il a accompli en Son Fils Jésus-Christ à la croix, par Sa mort et Sa résurrection, parce que nous nous soumettons à la direction de Son Esprit pour nos vies, que nous désirons courir cette course, à la suite de l’apôtre Paul ; parce que nous désirons être rendus semblables à notre Bien-Aimé, l’Auteur de notre salut et le Chef de notre foi, Lui qui nous a comblés de toutes les grâces qu’Il a reçues du Père. Le but de cette course est donc la ressemblance à Christ.
Cette course nous est non pas imposée, mais elle nous est proposée, offerte, comme une grâce ; car tout est grâce !
La grâce, c’est de comprendre que cette course n’est pas fatigante, parce qu’elle ne dépend pas de nos forces. Elle n’est pas non plus incertaine, puisque la victoire est déjà acquise et les promesses déjà données. Elle n’est donc pas source d’angoisse comme peut l’être la course dans laquelle le monde veut nous entraîner.
Et justement, par rapport à ce risque d’angoisse persistant dans le monde dans lequel nous vivons, il nous faut faire bien attention à apprendre à faire une distinction très importante :
Comment faire la différence entre important et urgent ?
Nous le disions tout à l’heure, Dieu ne nous dit jamais de nous dépêcher. Une autre chose est remarquable, c’est que Jésus n’est jamais « pressé ». Jésus n’est jamais dans l’urgence.
Ce fait est tout à fait remarquable quand on considère que Jésus n’a devant lui que 3 ans de ministère, 3 petites années pour annoncer le Royaume de Dieu, pour guérir et relever, pour rendre la vue aux aveugles et pour libérer les captifs. 3 ans, et pourtant à aucun moment il ne semble « en manque de temps ». Il se laisse même déranger au milieu d’une mission, par une personne dont le besoin est urgent. Pensons par exemple à la femme atteinte d’une perte de sang. Pensons aussi au temps très important que Jésus prend, au détriment à vue humaine de son ministère, pour passer du temps avec Dieu, son Père, en prière. Bien sûr cela n’est pas au détriment, c’est justement ce qui fonde et nourrit son ministère et la puissance qu’il déploie. Tout ce temps passé non pas à « faire », mais à « être »… Être avec Dieu, dans Sa présence, à Son écoute, à Ses pieds…
Pensons aussi aux nombreux textes qui disent : « ne craignez pas » (il y en a 365, un pour chaque jour!), mais aussi « ne vous inquiétez de rien ». Ces textes viennent s’opposer à l’esprit d’inquiétude et d’angoisse qui empoisonnent littéralement la vie de nos contemporains. Et nous devrions montrer l’exemple, sur ce point.
Nous devrions être la force tranquille dans ce monde, nous devrions être de ceux qui n’ont pas peur, non pas parce qu’ils sont inconscients, mais justement parce qu’ils savent que Celui qui tient ce monde, son début et sa fin, comme aussi chaque petite parcelle de notre vie et de notre quotidien, est le Tout-Puissant, JE SUIS.
Le fondement de notre calme est la souveraineté de Dieu. Parce que Dieu règne, parce qu’Il est Tout-Puissant, parce qu’Il a déjà vaincu, alors il est tout à fait inutile – pour ne pas dire saugrenu – de s’inquiéter et de s’angoisser.
En ce sens, nous avons besoin de re-découvrir comment utiliser et habiter notre temps.
Quelle est la seule chose nécessaire, la seule chose à faire ?
Paul parle ici d’une seule chose à faire. C’est une expression que l’on retrouve à d’autres endroits de l’Écriture :
Tout d’abord dans les évangiles de Matthieu, Luc et Marc, avec l’épisode du jeune homme riche (Lc. 18 : 22). Ce qui manque à ce jeune homme qui pourtant respecte les commandements et obéit à la Loi, c’est l’abandon. Quand Jésus lui demande de se dépouiller et de Le suivre, cela crée la fracture. Trop attaché à ce qui fait sa vie sur cette terre, il lui est impossible d’y renoncer pour choisir ce que Dieu promet mais qui est invisible aujourd’hui. Pour ce jeune homme, il s’agit de ses richesses. Mais qu’en est-il pour nous ? Ne sommes-nous pas, nous aussi, trop attachés à certaines choses de ce monde (pas forcément mauvaises au demeurant) pour être capables d’y renoncer par amour pour Dieu et de faire le choix du chemin à la suite de Christ ? Or c’est cette seule chose qui est nécessaire, rappelle Jésus. Être capable de faire le bon choix, être conscient que nos richesses, notre pouvoir, notre puissance, notre famille même, doivent être déposés au pied de la croix car nous ne devons pas compter sur nos possessions, sur ce que nous avons construit de nos mains, mais les recevoir comme venant de Dieu lui-même, et donc lui appartenant à Lui en premier lieu ! Combien il est difficile de renoncer à s’appuyer sur ses propres forces ou possessions, pour ne s’appuyer que sur Dieu et sur Sa grâce !
Nous trouvons la deuxième mention dans l’Évangile de Luc encore, au chapitre 10, avec l’épisode de Marthe et Marie (Lc. 10 : 42). Dans ce passage, quelque part, il s’agit de mesurer la différence entre l’urgent et l’important. Ce que faisait Marthe était réellement important, et elle y tenait parce que Jésus était pour elle important et qu’elle tenait à ce qu’il soit bien reçu. Mais une chose était plus importante encore, cette chose était même nécessaire : écouter Sa Parole, être avec Lui. Une fois de plus, on retrouve cette distinction nette entre « faire » et « être ». Faire pour Dieu est important, mais être avec Dieu est PLUS important ! Écouter Sa Parole et s’en nourrir, voilà la seule chose qui nous est nécessaire ! On trouve le même genre de dilemme dans l’épisode de la femme qui verse un parfum de grand prix sur les pieds de Jésus, ce qui fait bondir les disciples qui auraient voulu faire une bonne action envers les pauvres, avec l’argent de la vente de ce parfum (Mt. 26 : 6-13). Pourtant Jésus dit « vous ne m’aurez pas toujours, mais vous aurez toujours les pauvres ». Là aussi, nourrir les pauvres est important, mais honorer Jésus est PLUS important !
Quant à nous, savons-nous toujours, dans nos courses quotidiennes, faire la part des choses, et renoncer à des choses importantes au bénéfice de ce qui est PLUS important, à savoir passer du temps dans la présence de Dieu ? Et il s’agit de temps offert, de temps racheté ! Car il n’est pas question de passer du temps avec Dieu uniquement pour lui demander de faire telle ou telle chose, mais bien de passer du temps JUSTE pour ÊTRE AVEC LUI, parce que nous en avons envie, besoin, parce que nous l’aimons !!
La troisième occurrence se trouve dans notre texte de l’épître aux Philippiens, avec cette course « vers le but pour remporter le prix de l’appel céleste de Dieu en Jésus-Christ » (Ph. 3 : 14). Ici aussi, il s’agit de lâcher prise, puisque Paul parle d’« oublier ce qui est derrière ». Comme pour le jeune homme riche, il s’agit de renoncer à nous-mêmes, à ce qui nous sécurise ici-bas, pour ne trouver notre secours qu’en Dieu. Cela ne signifie pas tout plaquer pour vivre en ermite dans le désert, mais c’est un changement de mentalité, un transfert de nos appuis humains vers l’appui divin. C’est le seul qui soit réellement solide !
Oui il s’agit de lâcher prise, mais aussi de changer de regard.
Au lieu de regarder derrière, regarder devant. Au lieu de regarder à nous, regarder à Christ. Au lieu de regarder à nos attaches dans ce monde, regarder à la gloire à laquelle nous sommes appelés en Jésus-Christ.
Oui mes amis, il nous faut re-découvrir comment utiliser et habiter notre temps sur terre. Nous y sommes placés par Dieu, pour Le représenter, pour être – nous l’avons vu dimanche dernier – des ambassadeurs de la réconciliation. Nous sommes ce que nous sommes par Sa grâce, Il nous appelle à la repentance et à la foi, Il nous sauve par Jésus-Christ, et nous donne Son Esprit pour nous faire marcher sur les traces de Son Fils.
Nous sommes là de Sa part. Quand nous vivons nos vies de couples ou nos célibats, nous disons quelque chose de Lui. Dans notre rôle de parents ou dans notre position d’enfant, nous sommes là de Sa part. Dans notre travail, nos loisirs, nos relations amicales ou familiales de toute sorte, nous sommes une lettre qui vient de Lui. C’est ainsi que nous sommes sel de la terre et lumière du monde, quand nous habitons notre identité de Sa part ! Et pour être efficace, nous avons besoin d’être remplis de Lui et de Sa Parole.
Nous avons besoin de dégager du temps consciemment pour être avec notre Dieu, dans le silence réconfortant et paisible de Sa présence. Parce que c’est cela qui rendra nos vies fécondes ! Nous trouvons du temps pour toute sorte de choses inutiles, nous perdons parfois du temps que nous pourrions gagner si nous le passions avec Dieu, comme par exemple en voiture quand nous sommes seuls, ou quand nous attendons le bus, ou quand nous surveillons le repas, ou que sais-je encore ?!
Nous avons besoin de passer du temps avec Dieu, parce que c’est la chose la plus importante, parce que c’est la seule chose nécessaire, la chose qui nous manque le plus !
Alors nous pourrons nous aussi courir la course dans le calme, les yeux fixés sur Jésus-Christ, notre Seigneur et Sauveur en gloire, assis à la droite de Dieu, Lui qui nous prépare une place ! En attendant, qu’il nous soit donné de vivre notre temps dans la recherche de ce qui plaît à Dieu. « Faites tout pour la gloire de Dieu », rappelle Paul (1 Co. 10: 31) ! Amen.