Prédication du 4 mai 2025.

Prédication apportée par notre pasteur Clémence Bury.

04 mai 25 – Ap. 1, 9-19

Ap. 1 : 9-19

*Prière

*Lecture

« Moi, Jean ». L’auteur se présente. Il écrit à des chrétiens qu’il connaît et la première chose qu’il dit est : je suis l’un d’entre vous. Je partage votre sort. Je vous écris ce livre qui est l’Apocalypse (c’est-à-dire la révélation) de Jésus-Christ, mais je n’ai pour le faire pas d’autre autorité que celle d’être un témoin de Jésus-Christ.

Pourtant nous apprenons que ce Jean connaît un destin singulier : il a annoncé la Parole de Dieu, il a été dans le monde un témoin fidèle de Jésus et cela l’a conduit à Patmos, une petite île de la mer Egée où il est assigné à résidence par l’administration impériale que son ministère dérange.

Quant à la situation des églises qu’il connaît et décrit, situées en ce pays qui est maintenant la Turquie, elle n’a rien de très glorieux. Elles sont soumises à une persécution plus ou moins violente. En outre, des faux prophètes se glissent parmi elles, « qui se disent apôtres et ne le sont pas ». Certaines de ces communautés peuvent perdre courage devant ces risques extérieurs et aussi les dangers intérieurs – qui ne sont pas les moindres. Tout cela n’est pas brillant… C’est alors que le message est envoyé à ces communautés : tenez bon ! Celui qui vous écrit, moi même, je suis « votre frère et votre compagnon dans l’épreuve, la royauté et la persévérance en Jésus », et je vous atteste l’amour et la puissance de vie du Christ, car il accompagne ma vie comme il veut accompagner la vôtre.

Ces églises commencent à découvrir qu’il n’est pas toujours facile d’être chrétien dans le monde. À chaque pas une épreuve : on leur demande : « Pourquoi ne vivez-vous pas comme on vit en ce monde ? Vous ne semblez pas avoir les mêmes valeurs que nous. Vous voulez obéir à un Seigneur que vous mettez plus haut que l’empereur. Vous ne suivez pas les règles évidentes de toute vie sociale. Vous êtes donc des éléments marginaux, de dangereux idéalistes qui sapez secrètement les fondements les plus sûrs du monde civilisé ».

A chaque pas l’épreuve exige la persévérance : malgré ces reproches qui tournent vite aux menaces, il faut tenir bon. La foi est aussi fidélité.

Fidèles, oui, disent ces chrétiens, mais jusqu’où ? Et dans leurs réponses, ils hésitent : nos églises, disent certains, sont petites et faibles en face de l’empire.

Il ne servirait à rien de nous opposer ouvertement. D’ailleurs la religion n’est-elle pas une affaire privée, une question de conscience ? S’il faut se prosterner pour vivre sans problèmes, pourquoi ne pas faire ce geste en gardant en son cœur la foi en notre Seigneur Jésus-Christ ?

D’autres ne peuvent accepter ces calculs qui prétendent savoir estimer la valeur de deux obéissances qu’on peut tranquillement additionner. C’est pour les encourager que Jean écrit l’Apocalypse. Lui-même n’a pas transigé. C’est ce qui l’a amené à Patmos. On ne peut tout concilier. Il faut choisir. On ne peut mélanger le froid et le chaud sans devenir tiède (Ap 3,15). Et le Christ demande qu’on le suive lui seul.

Être chrétien est donc inconfortable et même à terme dangereux. On comprend qu’il y ait des chrétiens qui hésitent à payer d’un tel prix leur fidélité. Ce service pour rester fidèle est une constante lutte contre les tentations dont la première serait de renoncer. Il n’est pas de vocation chrétienne sans la volonté tenace de poursuivre le chemin à la suite du Christ, avançant chaque pas dans la confiance que la force sera donnée d’en avancer un autre.

L’épreuve et la persévérance, cela a de quoi inquiéter. Mais, dit Jean, ce n’est pas tout. Si le chemin de la foi est étroit et rude, il est aussi magnifique : vous avez part à l’épreuve et à la persévérance, vous participez donc aussi à la royauté. Laquelle ? Le Roi n’est pas l’empereur, mais le Christ.

Cela ne se voit vraiment pas ?! C’est que cela ne relève pas de la constatation (surtout pas de la preuve !). C’est une réalité pour la foi. C’est la Révélation de Jésus-Christ, celle qui apporte le bonheur à celui qui la reçoit (1,3). Le monde, les hommes, nous-mêmes, ne sommes pas seulement ce que nous voyons, estimons, déplorons ou craignons. Voilà l’évangile : le monde nouveau éclot sous nos yeux qui s’ouvrent à cette lumière : « Je fais toutes choses nouvelles. C’est fait ! » (21,5.6). « Voici le temps du salut, de la puissance et du règne de notre Dieu et de son Christ » (12,10).

Les fidèles participent à la victoire du Christ sur les forces du mal. Quand bien même ils paieraient du martyre leur témoignage, c’est alors que serait proclamée à la face du monde la vérité d’une vie qu’ils ne doivent qu’à Dieu (12,11). Ils sont rois à jamais d’un royaume que personne sur terre ne peut anéantir.

Jean est le serviteur de cette révélation qui est Parole de Dieu (1,1), mais c’est le St Esprit qui seul peut faire qu’un homme la reçoive et la transmette aux églises (1,10-11). Ce n’est pas l’utopie d’un rêve oublieux de la réalité. C’est un évangile destiné en premier lieu aux églises d’Asie Mineure et à leurs fidèles qui hésitent, doutent et tremblent : ils ne sont rien face au pouvoir immense de l’empire qui s’irrite de leur présence. Et pourtant ce sont eux qui témoignent ici-bas que le pouvoir véritable, la victoire dernière et la vie éternelle sont des réalités offertes à la foi, tout comme nous le faisons aussi aujourd’hui.

Bien sûr, nos communautés ne vivent pas sous la persécution, et en tous cas pas sous une persécution violente, entraînant mort d’homme, du moins dans notre pays ! Il est rare que de nos jours nous soyons inquiétés à cause de notre foi, mis à l’index parce que nous sommes chrétiens. Au pire, nous sommes considérés comme des originaux, ou des dinosaures. Nous réalisons que nous sommes une minorité, que le vrai chrétien, comme le disait déjà Luther est « un oiseau rare ». Nous sommes ainsi appelés à vivre un temps de vérité, à être le « petit troupeau » à qui le Père a jugé bon de donner son Royaume, et qui en est témoin.

L’Ap. est un livre pour les églises, mieux : pour l’Eglise. Pour l’Eglise dont les communautés cheminent si difficilement, parfois même si misérablement, sur la terre. Mais, dit cette première vision, vous, les chrétiens qui doutez, vous dont la fidélité vacille si souvent, vous qui êtes faibles, petits et méprisés, vous êtes plus que ce que vous croyez être, plus que ce que le monde voit. Vous êtes du ciel. Votre véritable identité n’est pas celle que les hommes vous reconnaissent, c’est celle que Dieu vous accorde. Il vous regarde et vous voit dans votre réalité dernière, celle qui ne se laisse pas réduire aux apparences. Vous êtes les enfants du Père céleste, nés d’une nouvelle naissance qui fait de vous les citoyens de la Jérusalem nouvelle qui vous attend auprès de Dieu. Car n’oublions pas que dans cette vision de l’Ap., les églises sont symbolisées par des chandeliers, et pas n’importe lesquels, des chandeliers d’or ! Ceci pour nous rappeler que toutes les Églises, de même que tous les chrétiens, ont pour mission d’être « la lumière du monde » (Matthieu 5.14-15). Toutes les églises, même les plus petites, même les plus fragiles, même les plus persécutées… Tous les chrétiens, même les plus âgés, les plus fatigués, même les plus jeunes qui sont souvent débordés par d’autres activités, tous les chrétiens, même nous !

Christ apparaît au milieu des sept chandeliers, c’est-à-dire des Églises, pour montrer qu’il veille sur elles et leur communique la lumière et la vie. On ne peut parler des chandeliers que sont les églises sans dire qu’elles entourent celui qui les fait être : Est-ce Dieu ? Oui, mais il faut bien lire : celui qui apparaît maintenant porte bien les titres de Dieu lui-même : il est Premier et Dernier comme le prophète Esaïe le disait du très Haut (Es 44,6 ; 48,12). Mais il est vêtu comme un prêtre de rang royal et il a une apparence humaine. Il est comme un homme. C’est ainsi qu’on le voit dans la vision destinée à nos yeux d’humains.

Ecoutons : Je vis quelqu’un comme un fils d’homme, c’est-à-dire comme un homme. Comme : donc l’image est une approximation. Elle n’est jamais qu’une tentative imparfaite et maladroite parce que humaine, d’exprimer ce qu’est Dieu, ce qu’il fait et ce qu’il dit. Cela est vrai de toute l’Ap et c’est pourquoi ceux qui ont entrepris de l’illustrer en la lisant mot à mot ont parfois pu réaliser des œuvres admirables, mais ils sont le plus souvent passés à côté de ce que les visions voulaient dire. Pire, ils nous ont habitués à lire ce livre qui dit être une révélation de Jésus Christ comme une BD de science fiction. Les visions ne sont pas à regarder, mais à comprendre. L’apparence n’est rien si elle ne conduit pas à la signification. Ne pas comprendre cela, c’est le plus déplorable contresens qu’on puisse imaginer. C’est fermer les yeux sur la révélation de l’Ap : c’est une grande impiété.

Reprenons : ce personnage anonyme tout en portant les noms de Dieu prononce les jugements comme Dieu lui-même (v.16). Or, il apparaît comme un homme. Dieu en figure d’homme : c’est le Christ. D’ailleurs la suite le précise : il a connu la mort mais il vit à jamais. Il a remporté la victoire sur la mort et son royaume ténébreux. Il fait briller sur le monde une lumière dont le soleil est comme une parabole (v.16).

Tout est dit et ce qui doit arriver ensuite (v.19) est conditionné, peut-être faut-il dire : est inclus, dans la révélation de cette vision première.

La suite, c’est-à-dire notre histoire à nous, gens du 21ème siècle, est éclairée et transformée par cet évangile qui est pour nous une mise à l’épreuve, qui nous revêt de la gloire royale et exige de nous une fidèle persévérance.

Autre caractéristique de l’apparition: tête et cheveux blancs, auréolés de lumière et de la gloire de Dieu. Blanc de la transfiguration, blanc de la résurrection, blanc qui deviendra symbole de pureté et de foi ; ses pieds semblables à de l’airain ardent: rien ne peut s’opposer à la marche du Seigneur vers nous, aucun obstacle, aucune volonté. Le Christ est en marche, il vient à nous, il domine le feu puisqu’il traverse la fournaise. L’habit lui-même dans lequel le Christ apparaît a une importance symbolique énorme puisque la longue robe portée est l’habit dans lequel chacun reconnaît la tenue du grand prêtre, la ceinture d’or, attribut du roi, peut aussi être une allusion au médaillon d’or et de pierreries que le même grand prêtre portait sur la poitrine. Habit de prêtre, attribut de roi. Mais même si nous simplifions la lecture nous ne pouvons nous empêcher de voir dans le personnage décrit un personnage hors du commun, entouré de la gloire de Dieu, venant vers l’homme, proche à le toucher, pour le délivrer, le relever, lui rendre sa dignité et son espérance.

A force de vouloir déchiffrer les symboles, décrypter les codes, nous risquons de passer à côté de l’essentiel, savoir les derniers versets: « Ne crains point, je suis le premier et le dernier et le vivant. J’étais mort et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clefs du séjour des morts. »

Ces paroles sont accompagnées d’un geste: la main du Christ qui s’est tendue si souvent vers les petits ou les grands, qui rendit la vie, l’espérance, la joie et la foi à tant d’hommes et de femmes dont parlent les Evangiles mais aussi l’histoire de l’Eglise et de nombreux témoignages: cette main Jésus la tend vers nous. Elle nous fait avancer sur le chemin qui mène à Dieu. Cette main témoigne de la victoire totale de Jésus-Christ sur la mort, la sienne et la nôtre. Cette main qu’il tend ne nous dit-elle pas: « Comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d’avoir la vie en lui-même. Et il lui a donné le pouvoir de juger parce qu’il est le fils de l’homme. L’heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix et en sortiront. »

Même celui qui se contente de survoler l’histoire, ne peut que proclamer: Christ est Seigneur. C’est ce que proclame cette image du Maître du monde et c’est ce qui nous est donné à contempler ce matin. Ce message veut s’imposer à nous dans les angoisses que nous cause l’évolution du monde, mais aussi face à toutes ces forces et puissances qui, devant les agressions et difficultés auxquelles nous sommes confrontés, veulent nous écraser et nous asservir de l’intérieur. Voilà que se déchire le grand voile de l’histoire et que nous pouvons voir jusqu’à l’avenir le plus lointain. Là se trouve Jésus qui tient dans sa main le commencement et la fin de ce monde. Là nous découvrons le but vers lequel ce monde tend. Advienne que pourra et nous n’avons guère à nous forcer aujourd’hui pour envisager le pire, mais Christ sera le dernier. C’est lui qui est mort sur la croix, pour l’humanité.

Voilà notre consolation dans les difficultés et agressions qui nous touchent: nous pouvons savoir que nous avons un but, désigné de façon incontestable. Tous les mystères de ce monde, tous les malheurs sont portés dans ses mains par celui à qui appartient la victoire finale. Notre chemin nous conduit vers lui. La puissance dernière reste la mort qui détruit toutes choses et les rend vaines. Cette puissance se voit anéantie, elle ne peut plus rien. La mort doit rendre sa proie parce qu’il y a là plus puissant qu’elle. Lors de chaque culte, ce plus puissant parle à son église. C’est pourquoi le culte est autre chose qu’une assemblée humaine. Quelque chose de l’éternité y fait irruption dans notre temporel, notre temporel y découvre quelque chose de l’éternité. Nous discernons ce vers quoi nous tendons, nous puisons des forces pour tenir en église jusqu’à la fin. Le visage que voit Jean resplendit comme le soleil. Et nos visages, eux, doivent refléter un peu du soleil de Jésus-Christ pour le révéler au monde. Cela est exigé de chacun, à la place qu’il occupe. Nous le pouvons parce que nous appartenons à celui qui a vaincu toutes choses et qui tient tout pouvoir entre ses mains.

L’extraordinaire vision est un envoi en mission ! Car, pour cette mission, comme le Christ le dit à Paul en ce verset fameux : « Ma grâce te suffit »…

Voici donc défini pour nous un programme et un moyen. Le programme n’est pas de changer la planète. Il n’est pas non plus de rester chez soi. Etre chrétien, être Eglise, c’est être apôtre, c’est être missionnaire, c’est annoncer Jésus-Christ. La foi n’a pas, ne doit pas avoir, d’autre projet. L’Eglise ne saurait avoir d’autre but. Elle n’a pas de sens pour elle-même, elle n’est pas médiatrice du salut, elle n’est pas dispensatrice de grâces. En revanche, elle est un chandelier, et donc une lumière qui doit briller dans les ténèbres de notre monde.

L’espérance entrevue par Jean à Patmos, c’est aujourd’hui encore, aujourd’hui à nouveau, notre mission. Combien de femmes et d’hommes près de nous ignorent tout du généreux pardon, du salut gratuit, de la mort et de la résurrection de celui qui seul est la vie véritable ? Combien de gens parmi ceux que nous rencontrons quotidiennement s’enfoncent dans la mort sans avoir la moindre idée que quelqu’un les aime et peut les faire revivre, dès cette existence-ci ?

Pour cette mission, il reste la faiblesse. Il reste nous, tels que nous sommes, avec notre petite foi, notre petite Eglise, nos petits moyens, et la seule chose démontrable que nous ayons à notre disposition : c’est que, non, on ne peut pas vous montrer le Christ…! Du moins pas directement. En revanche, on peut être dans une telle proximité avec le Christ que Sa lumière rejaillit à travers nous ; c’est cela que nous devons être : La faiblesse des chrétiens, qui seule peut être habitée par la grâce de Christ, par la puissance du Dieu qui nous envoie.

Christ se tient au milieu de ses Eglises. S’il n’y a aucune raison d’avoir confiance en nous-mêmes, il n’y a non plus aucune raison de reculer, de rechigner, d’hésiter, de tergiverser : Christ est au milieu, sa grâce est avec nous, son Esprit nous est donné. Il est ressuscité ! Oui, il est vivant, et il nous envoie. C’est là notre place. C’est là qu’est l’Eglise : dans sa mission. Amen !

  • Chant : Jem n° 799 « Nous annonçons le Roi »

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