Prédication apporté par la pasteur Clémence Bury.
05 oct. 25 – Ha. 1, 2-3 et 2, 2-4
Hab. 1 : 2-3 ; 2 : 2-4
*Prière
Le texte de l’Évangile selon Luc qui était proposé pour ce matin compare la foi à un grain de moutarde et la parabole intervient en réponse à la demande des disciples de Jésus : « Augmente-nous la foi ».
Peut-être sommes-nous aussi parfois tentés d’adresser à Dieu la même demande. Peut-être pensons-nous que nous manquons de foi, que celle-ci est insuffisante, faible et timide. Dans un sens, c’est vrai ! Surtout si l’on prend en considération le fait que la foi, ce n’est pas d’abord « croire », mais plutôt « faire confiance ».
Il est vrai que notre confiance en Dieu est vacillante, et qu’elle s’appuie hélas trop souvent sur les circonstance extérieures.
Ainsi, quand tout va bien pour nous, nous n’avons pas de mal à faire confiance à Dieu. Mais dès qu’arrive dans notre vie une épreuve, un conflit, quelque chose que nous ne comprenons pas, alors cette confiance est mise à mal.
De la même manière, nous croyons et disons que Dieu règne, qu’il est souverain, car la Bible le dit. Mais il suffit que nous regardions au monde, au contexte géopolitique, aux injustices sociales et tant d’autres choses qui font partie du temps dans lequel nous vivons, pour que le doute s’insinue… Si Dieu règne, pourquoi tout ce mal ? Pourquoi Dieu tarde-t-il à faire justice ? Pourquoi les choses vont-elles si mal ? Dieu se soucie-t-il de nous ?
Il y a quelques semaines, lors du week-end EssenCiel, ces mêmes questions ont été abordées avec l’épisode de la tempête apaisée. Pierre s’enfonce dans les vagues dès lors qu’il regarde à la mer plutôt qu’à Jésus. Nous avons besoin d’apprendre ou de ré-apprendre à regarder au Seigneur. Nous avons besoin de fonder notre confiance sur qui il est Lui, et non pas sur notre vie ou nos capacités. Nous avons aussi besoin de ré-apprendre à prier, à supplier, et à attendre dans le calme et le silence le secours de l’Eternel.
C’est à cela que nous sommes invités ce matin, par des paroles bien plus anciennes encore que l’Évangile, tirées du livre du prophète Habaquq.
*Lecture
Le livre d’Habaquq est un livre prophétique très court et en quelque sorte assez inhabituel puisque la prophétie n’est pas directement adressée au peuple. Il s’agit plutôt d’un dialogue entre le prophète qui exprime des questionnements concernant sa foi, et Dieu qui lui répond, un peu à la manière de la fin du livre de Job. On pourrait aussi comparer cette écriture à celle des psaumes de lamentation.
Ainsi on voit que le prophète n’est pas seulement un prédicateur inspiré transmettant la parole de Dieu au peuple ; il est aussi celui qui porte le fardeau de l’Eternel pour le monde brisé par le péché et sa compassion pour son peuple. On retrouve les mêmes caractéristiques chez Jérémie par exemple. Habaquq apparaît donc d’abord comme un homme de prière et de foi.
Les courts passages qui sont proposés à notre lecture ce matin sont particulièrement actuels car ils nous parlent de la souveraineté de Dieu sur ce monde, particulièrement quand celle-ci ne se voit pas et que le monde semble aller à sa guise sans Dieu ni maître.
Il est vrai que quand on regarde à ce monde, l’autorité souveraine de Dieu n’est pas évidente au premier abord : le mal gagne du terrain, les gens se perdent et s’enfoncent toujours plus loin de Dieu, les chrétiens eux-mêmes sont souvent faibles et égarés, sinon persécutés. Alors, comme Habaquq, nous pouvons être en proie à une crise spirituelle profonde face à ces réalités, nous pouvons nous demander ce que fait le Seigneur, « jusques à quand » cette situation va perdurer, pourquoi Dieu semble indifférent, inactif et lointain.
Revenons un instant sur ce qui mine moralement le prophète : dans le peuple de Dieu, trop peu de fidélité et de recherche de la sainteté ; chez les non-croyants, une idolâtrie qui exalte l’homme. Nous retrouvons ces mêmes choses dans le monde dans lequel nous vivons ! L’Église n’est pas au mieux de sa forme, les chrétiens ne sont pas toujours très lumineux, le témoignage est timide… Quant au monde, chacun cherche son propre intérêt, le Moi est au centre de toutes les attentions avec son cortège de divertissement, de recherche du bien-être et du développement personnel, de plaisir et de réussite au détriment des autres et parfois même des plus proches. Chacun est préoccupé par lui-même, et l’homme est érigé en Dieu. Il n’y a que lui qui compte ! Tout est fait par lui et pour lui ! Or l’Ecriture, rappelons-le, nous invite à un décentrage et à considérer que tout est « par Christ, en Christ et pour Christ » ! Or même parmi les chrétiens, combien de fois nous laissons-nous happer par cet esprit du monde ? Combien de fois faisons-nous passer nos objectifs et notre bien-être avant ceux des autres et plus encore avant Dieu ? Quels sont les moments de notre vie où réellement, sans autre intention, nous recherchons la gloire de Dieu uniquement ?
Quand nous prenons conscience de cet état de fait, que ce soit celui de la chrétienté ou celui du monde, quelle est notre réaction ? Nous voyons ici Habaquq humilié en prière devant Dieu pour son peuple, dénonçant devant le Seigneur, dans une attitude de repentance, la progression du mal et de la violence.
Or, trop souvent, notre première réaction n’est pas celle-ci ; nous nous plaignons les uns des autres, nous discutons entre nous des manquements de tel ou tel frère ou sœur. Ces plaintes deviennent de la médisance, elles sont emplies d’amertume et elles desservent l’Église tout entière. La juste attitude, ainsi que le montre le prophète, est d’épancher son cœur devant Dieu, de prier, concernant le mal qui règne parmi les nations mais aussi concernant les péchés au sein de la famille de Dieu.
Le problème, c’est que nous prions peu, nous prions mal. Ou encore, nous avons l’impression que cela ne change rien, que la communication est brouillée, ou que Dieu ne répond pas à nos prières. Parfois, nous sommes révoltés contre ce que Dieu a prévu de faire. Cela aussi dénote un manque de confiance de notre part. La prière est un vrai baromètre de notre foi. Celui qui ne croit pas que Dieu agit ou se soucie de ce qui se passe dans le monde ne « perd pas son temps » à prier ! Celui qui pense savoir mieux que Dieu ce qu’il convient de faire dans telle ou telle situation prie mal, car il met en avant sa volonté propre sans chercher celle du Seigneur. Alors, quand la réponse diffère du plan élaboré par l’être humain, la frustration est grande, et entraîne parfois même de la colère et du rejet.
Sans aller jusque là, nous devons bien reconnaître notre incapacité à comprendre la manière dont Dieu agit et répond parfois. Cela devrait nous amener à davantage d’humilité et à nous soumettre joyeusement à sa volonté. Mais souvent cela nous plonge dans le doute et le désarroi, montrant par là combien notre confiance et notre obéissance sont parfois conditionnelles…
Comme Habaquq, quand nous comprenons ce que Dieu envisage de faire, nous pouvons être dans l’interrogation et la détresse tant les « solutions » de Dieu semblent parfois – à vue humaine – complètement à l’encontre de ce qui nous paraît bon et juste. C’est ce qui arrive au prophète, mais lui ne se laisse pas décourager, il persévère dans ses prières et ses supplications, conscient que Dieu est juste et saint et qu’il est le maître de l’histoire.
Voilà ce qu’il nous faut garder en mémoire, voilà ce qu’il nous faut nous répéter.
Dieu est saint, juste et bon. Ses décisions sont toujours les meilleures, ses plans sont parfaits et ils se déroulent toujours au bon moment. Plus encore, ce que Dieu fait a toujours en vue notre bien et notre salut, ce qui manifeste sa gloire !
Les réponses et les visions que Dieu envoie ne constituent pas toujours les réponses précises aux questions posées, mais elles nous enseignent à marcher dans l’Alliance et elles manifestent la gloire de ce Dieu dans lequel nous nous confions, Lui qui nous a choisis par grâce et nous envoie par amour comme ses témoins dans ce monde.
Voilà pourquoi nous pouvons continuer d’espérer, de persévérer et d’attendre avec confiance l’accomplissement de ses promesses, car ce que Dieu promet, il l’accomplira !
Voilà comment la foi se développe et se fortifie, par la connaissance et l’expérience de ce Dieu fidèle et juste, lui qui a tout pouvoir dans le ciel et sur la terre. Voilà aussi comment Dieu éprouve notre foi pour la faire grandir et la rendre plus parfaite.
Il est normal de s’indigner du mal, nous ne devons pas nous y habituer en nous disant « demain ça ira mieux ». Lorsqu’on appartient à Dieu, on devrait avoir le mal en horreur et tout ce qui avilit l’homme et le sépare de son Créateur devrait nous irriter.
Mais deux postures extrêmes sont à éviter : l’activisme, par lequel nous entendons mettre un terme nous-mêmes au mal, nous agitant en tout sens et nous appuyant sur nos propres capacités, quand bien même nous le ferions « pour Dieu » ; et la passivité par laquelle nous nous détachons de tout ce qui arrive, comme si cela ne nous touchait pas.
La Parole de Dieu nous ouvre la voie à une attitude plus juste face au mal, sachant que nous sommes sur cette terre la lettre de Christ, nous y sommes placés pour le représenter et témoigner de son œuvre. Oui le mal doit nous indigner, cela doit nourrir notre prière, nous devons supplier le Seigneur d’intervenir dans sa grâce et sa justice, sachant que parfois c’est par nous que Dieu va intervenir ! Et ensuite, nous devons attendre dans le calme et la confiance la réponse du Seigneur, sans jamais mettre en doute sa fidélité à ses promesses.
Dieu ne peut pas laisser le mal impuni, et sa souveraineté s’exerce aussi en jugement contre ce mal. Aujourd’hui, nous vivons dans un temps de patience et de grâce, ce qui n’empêche pas que Dieu agit au-travers des événements quand bien même nous ne discernons pas toujours sa main ! Pour nous qui croyons, ces épreuves servent à nous détourner du mal, nous ramener à Dieu et nous relever. Pour ceux que l’Ecriture appelle les méchants, le jugement conduit à la destruction, à la manière du pharaon dont le coeur s’endurcit de plus en plus. Et nous savons que lorsque Christ reviendra, il jugera la terre et tout ce qui s’y trouve. Ceux qui placent leur confiance en lui et en sa justice accomplie à la croix vivront, et ceux qui exaltent l’homme à la place de Dieu mourront.
En attendant, il est encore temps d’intercéder, d’appeler à la repentance, de témoigner afin que le plus grand nombre soit sauvé ! Nous sommes appelés à veiller et prier !
Même quand les voies de Dieu semblent impénétrables, nous avons l’assurance que ses plans ne changent pas, car en lui il n’y a ni ombre ni variation. Ainsi pouvons-nous continuer d’affirmer et de proclamer que Dieu règne, même quand cela ne se voit pas, et cette réalité nous redonne paix, calme et confiance face aux événements incertains qui se déroulent autour de nous et dans l’Histoire. Ce qui nous permet de nous réjouir, c’est de voir en anticipation la réalisation des promesses de Dieu, de nous rappeler son salut, sa victoire sur le mal, la réconciliation obtenue mais aussi sa justice à venir. Tout cela est certain car celui qui l’a promis est fidèle et vrai. Voilà notre assurance, voilà notre foi !
Ces textes nous rejoignent en ce que nous aussi, nous sommes parfois pris de doutes ou de questionnement quant à la justice de Dieu et sa souveraineté sur le monde. Nous ne devons pas perdre de vue que Dieu est un refuge dans la détresse, qu’il est saint et qu’il règne ! Nous attendons sa justice et l’accomplissement de ses promesses et cela doit nourrir notre prière et notre foi : « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », qui exprime également notre soumission à sa volonté.
La tension entre le péché du monde et la sainteté de Dieu ne peut être résolue que par une intervention divine. Cette intervention a déjà commencée en Christ, par sa mort à la croix pour expier (enlever) le péché du monde et par sa résurrection qui nous rend justes devant Dieu. Si nous nous confions dans l’œuvre de salut de Jésus-Christ, nous sommes pardonnés, rachetés, réconciliés, justifiés. Nous sommes sauvés. Cette œuvre attend encore son plein accomplissement lors du retour de Jésus-Christ en gloire, quand il reviendra pour juger le monde et pour séparer les enfants de Dieu – ceux qui ont mis leur confiance en lui – des méchants qui ont préféré rejeter ce salut offert.
Pendant cette période entre les deux venues de Christ, nous sommes appelés à vivre dans une relation de dépendance totale à l’égard de l’Éternel. Cette dépendance est fondée sur la fidélité de Dieu qui nous transforme et nous garde dans son amour. C’est donc vers lui que nos regards doivent se porter, c’est en lui que notre espérance demeure vivante et que notre confiance est stable. C’est ce qui donne sens à notre existence dans ce monde, entre le « déjà » de l’accomplissement initial des promesses de Dieu et le « pas encore » de leur accomplissement final.
Ce livre d’Habaquq nous enseigne les dimensions importantes de la prière. Nous voyons le prophète dans la confession des péchés, puis attendant la pensée et la volonté du Seigneur. Nous le voyons à genoux dans l’intercession et enfin dans la louange devant la gloire et la souveraineté de Dieu, comme aussi de sa fidélité.
Repentance, recherche et écoute de la voix de Dieu, intercession, louange : voilà les 4 piliers de la prière du juste qui vit par la foi.
Seigneur, nous prions ensemble ce matin pour que tu ranimes notre foi, notre confiance en toi ; pour que tu développes en chacun de nous et au milieu de nous un esprit de prière, pour que tu nous donnes d’être de ceux et celles qui veillent et qui prient en tout temps, mais aussi qui témoignent de l’œuvre parfaite que tu as faite dans chacune de nos vies, pour la seule gloire de ton nom ! Amen.