Prédication du dimanche 18 août 2024.

Message apporté par le pasteur Charles Nicolas.

SeulsDansUnMondePaïen-18.08.2024.

Seuls dans un monde païen !

Psaume 135.15-21 ; Jean 15.18-21 ; Philippiens 2.14-18

Comment devons-nous vivre, en tant que chrétiens, dans un monde qui ne connaît pas Dieu, dans une société tentée par le paganisme avec tout ce que cela suppose ? Comment réagir à ce qui se passe autour de nous, depuis cette position étonnante qui est la nôtre : dans le monde, pas du monde ?

1. Accepter un sentiment de solitude

Sans nous retirer, sans nous isoler, nous devons accepter de vivre un certain sentiment de solitude. Jésus l’a vécu. Quand il avait 12 ans, Jésus a déjà été confronté au sentiment de solitude : il explique à ses parents qu’il doit s’occuper des affaires de son Père, mais ses parents ne comprirent pas ce qu’il disait (Lc 2.50). A Gethsémané, peu avant son arrestation, il dira à ses disciples : Vous n’avez pu veiller une heure avec moi (Mt 26.40). Enfin, nous avons entendu cette parole : Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï aussi (Jn 15.18). Gêné par le verbe haïr, j’ai cherché si miséô pouvait être traduit autrement ; on peut aussi traduire par détester !1

L’homme est un être social. Il aime être tranquille quand il en a envie, mais il a aussi besoin d’un environnement social, de réseaux sociaux, comme on dit. En un sens, c’est vital pour lui – et personne ne dirait que c’est une mauvaise chose en soi. Le sentiment de solitude peut donc constituer une sérieuse épreuve, au point où certains, pour l’éviter, seraient tentés de s’associer à tout prix à d’autres, à n’importe qui d’autre, simplement pour ne pas se sentir seuls. Y compris à rire avec les moqueurs2 !

Dans la Bible, les incroyants sont parfois appelés les moqueurs. Pourquoi ? Parce qu’au fond, ils connaissent la vérité, mais ils choisissent de s’en moquer. Vous vous souvenez de ce qui est dit du juste du Psaume 1er : Il ne s’assied pas sur le banc des moqueurs (1.1). Et nous avons ce témoignage du prophète Jérémie : Je ne me suis point assis dans l’assemblée des moqueurs, afin de m’y réjouir ; mais à cause de ta puissance, je me suis assis solitaire pour ne pas t’irriter (Jr 15.17).

Un enfant dans la cour de l’école, un adulte dans une fête ou sur son lieu de travail, doivent préférer ressentir un sentiment de solitude plutôt que rire avec les moqueurs. Cela parle, bien sûr, de l’importance de se retrouver entre chrétiens, aussi ! (Ps 133.1ss).

2. La tristesse plutôt que la colère

Après la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, nous avons entendu s’exprimer des sentiments de tristesse et des sentiments de colère de la part des chrétiens (pas seulement de chrétiens, d’ailleurs). On peut le comprendre. C’est mieux que de s’asseoir sur le banc des moqueurs et de dire : On a passé un bon moment !

La colère n’est pas toujours un péché. Elle peut être le reflet de l’irritation de Dieu lui-même face à certaines situations (Cf. Jr 15.17). Jésus l’a vécu (Mt 21.12). Paul en parle dans sa lettre aux Ephésiens (4.26) où il dit que la colère est possible, mais qu’elle doit connaître une limite dans son intensité et dans sa durée. Elle ne doit donc pas s’installer.

A vrai dire, il me semble que la tristesse convient mieux que la colère. Si nous regardons à nos propres vies, sans doute y trouverons-nous plus de raisons d’être attristés que d’être en colère. Laissons la colère à Dieu (Ro 12.19-21).

Et la tristesse ? Jésus l’a connue. Si le Saint-Esprit peut être attristé (Ep 4.30), nous pouvons donc l’être, nous aussi. Pierre écrit que Lot tourmentait journellement son âme juste à cause de ce qu’il voyait et entendait de leurs œuvres criminelles (2 Pi 2.8).

Je pense souvent au Psaume 137 : Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion. Aux saules de la contrée nous avions suspendu nos harpes. Là, nos oppresseurs nous demandaient des chants et nos oppresseurs de la joie… Comment chanterions-nous les cantiques de l’Eternel sur une terre étrangère ? Nous ne sommes pas les premiers à ressentir cela. (Cf. 1 Pi 5.9).

3. Trouver la bonne distance

Nous devons trouver la bonne distance avec les événements qui nous entourent et même avec ceux qui nous concernent parfois. Trop loin, nous serons indifférents, trop proches nous risquons de sur-réagir, ce qui n’est pas bon. Un bon témoin dans un procès n’est ni indifférent ni trop impliqué. Prendre trop à cœur une situation, quelle qu’elle soit, peut devenir un piège. La Bible donne beaucoup d’exemples de comportements impulsifs qui ont produit des fruits amers. Si un témoin doit se reprendre parce qu’il est allé trop loin, cela va ôter du crédit à son témoignage.

La connaissance que Dieu nous donne de lui, de nous-mêmes, du monde, nous permet de prendre de la distance par rapport aux événements, par rapport à nos états d’âme. N’oublions pas que l’espérance conditionne notre manière de vivre, autant que la foi ! Qui nous séparera de l’amour de Christ ? Sera-ce la tribulation, ou l’angoisse ou la persécution, ou la faim ou le péril, ou l’épée ? (Ro 8.35). Autrement dit, tout cela peut arriver ! Ce n’est pas une erreur. Nous sommes prévenus. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi (Jn 15.20b).

La lecture de la Bible et la prière nous aident à trouver cette juste distance par rapport aux événements. Trouver la bonne distance doit nous permettre d’entendre ce que Dieu veut que nous disions. Jésus l’a vécu (Mt 14.23).

N’y a-t-il donc aucun engagement à prendre dans ce monde ? Il y en a, mais pas sous le régime de l’impulsivité, des règlements de compte, du militantisme… On peut commettre beaucoup de sottises avec de la bonne volonté.

4. Etre prêt à souffrir, s’il le faut

Jésus l’a vécu. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre (Jn 15.20). Jésus ne noircit pas le tableau ; ne le faisons pas non plus. Cependant, il n’exclut pas les situations difficiles. Elles peuvent donc survenir. Il suffit de ne pas souffrir pour avoir agi de manière insensée ! (1 Pi 3.17)

Le chrétien est-il prêt à en découdre à chaque instant ? Pas vraiment. Un soldat ne tire pas sur tout ce qui bouge. Dieu veut que nous menions une vie paisible et tranquille, dit Paul (1 Tm 2.2). Allons-nous donc toujours nous taire pour être tranquilles ? La réponse est non. Jésus ne l’a pas fait. Soyons simplement des témoins véridiques (2 Co 6.8).

Et si on nous maltraite ? On ne voit pas les apôtres manifester bruyamment après avoir été arrêtés et battus (Ac 5.41). Ils ne jouent pas les victimes3.

Ce que disent les chrétiens qui ont vécu sous des régimes totalitaires, selon Rod Dreher4, c’est que nous vivons déjà sous une forme de soft-totalitarisme qui risque de se durcir ; et que nous ne sommes pas prêts à l’affronter… L’affronter, sous sa plume, ce n’est pas prendre les armes ; c’est se préparer à souffrir.

Est-ce un discours extrémiste ? Non, c’est l’esprit des Béatitudes5.

5. Que la joie demeure

Ils se retirèrent, joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le nom de Jésus (Ac 5.41 ; 2 Tm 2.3). Joyeux de souffrir ? Non, joyeux d’être fidèles à Jésus-Christ et d’être ainsi les témoins de son Royaume6.

Peut-on souffrir et connaître de la joie ? La réponse est oui. Jésus l’a vécu : homme de souffrance, il dit que nous aurons en nous sa joie, qui est parfaite, joie que personne ne nous ôtera (Jn 15.11 ; 16.22). Il s’agit d’une joie qui ne dépend pas des circonstances. Portée par le Saint-Esprit, comme l’Amour, elle est intouchable ! Est-ce la joie des militants ? Non, c’est celle que donne l’Espérance.

Cette joie est importante car elle va nous préserver de l’amertume, d’une tristesse excessive, de la colère, de l’esprit de revendication et de la violence. Elle nous préserve aussi de l’ingratitude. Celui qui ne fait que se plaindre risque d’être ingrat, ce qui n’est pas juste. Nous ne méritons rien ; nous avons donc beaucoup de raisons d’être reconnaissants. Soyons-le. Même si notre cœur pleure de voir tant d’incrédulité, presque partout.

Charles NICOLAS, 18 août 2024

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1Lux lucet in tenebris. C’est le paradoxe de la lumière : on l’apprécie et cependant elle gêne (cf. Jn 1.5).

2Rire avec les moqueurs constitue une sorte d’adultère spirituel.

3Cette question est délicate, car nous voyons Paul se défendre lors de ses procès et faire appel à César.

4Voir le livre de Rod Dreher : Résister au mensonge (Artège, 2021). J’ai rédigé un abrégé en 7 pages de ce livre.

5Le pire ? Ce sera peut-être d’avoir à souffrir de la part d’autres chrétiens (Ph 2.20-21 ; 2 Tm 4.14-16).

6 Voir le livre de François Azouvi : Du héros à la victime, la métamorphose contemporaine du sacré, Gallimard 2024.