Prédication du 06 février 2022.

Prédication apportée par Clémence Bury.

 Luc 5 : 1-11

Depuis le début de cette année, à travers la vie du patriarche Abraham, nous méditons plus spécifiquement sur la notion de consécration. Que signifie être consacré au Seigneur ? Quel pas supplémentaire nous faut-il faire pour avancer en eaux profondes avec notre Maître ? C’est ce que nous voulons continuer d’explorer avec l’exemple de Pierre, disciple du Christ.

            *Lisons le texte bien connu de « la pêche miraculeuse » dans l’évangile de Luc au chapitre 5, les versets 1 à 11.

            *Prière

Frères et soeurs en Jésus-Christ, nous le savons tous pour en avoir fait maintes fois l’expérience : il y a dans notre vie des « jours sans », des jours où rien ne nous réussit, où tout va de travers. Au moment de prendre le volant de notre voiture pour aller au travail, voilà que la batterie a décidé de nous lâcher ; ou alors c’est un enfant qui tombe malade. À l’heure où nous attendons des invités, la mayonnaise ne veut pas prendre ou le cake au chocolat, pourtant toujours réussi refuse obstinément de monter. « Journée sans » également pour les pêcheurs quand, pour d’obscures raisons, le poisson ne mord pas à l’hameçon. Pour des professionnels qui vivent et font vivre leurs familles du produit de la pêche, cela peut être plus que décevant.

Tel était le cas pour un certain Simon et pour ses associés qui tiraient leur subsistance des eaux poissonneuses du Lac de Génésareth, appelé aussi Mer de Tibériade. Ce matin-là, ils étaient rentrés bredouilles. Avoir travaillé toute la nuit pour rentrer à vide, c’est bien ce qu’on peut appeler « une nuit sans ». Bien sûr, il y en avait eu d’autres. Mais si notre évangile en parle ici, c’est parce que cette nuit frustrante allait déboucher sur une journée non seulement gratifiante, mais décisive pour la carrière de Simon et de ses compagnons, comme pour l’histoire du salut qui nous concerne tous. La rencontre avec Jésus se situe à l’endroit du rivage où les pêcheurs sont en train de laver, de contrôler de raccommoder leurs filets. Comme par hasard, c’est en cet endroit que Jésus s’adresse ce jour-là à la foule qui le presse de tous côtés. Profitant de la présence des pêcheurs, il monte dans l’une de leurs barques, en l’occurrence celle de Simon.

Dans cette première scène, nous voyons que le Seigneur rencontre Simon Pierre et lui parle en s’adaptant, pour ainsi dire, à sa condition. Le Seigneur applique la vérité à la condition de chacun, et il prend Pierre en le saisissant dans son activité même. C’est en rapport avec son activité que Pierre est saisi par la présence du Seigneur. Il en est toujours ainsi. Le Seigneur nous touche là où nous sommes. Il y a là une leçon très importante pour tout enseignement, quel qu’il soit. Il faut qu’un enseignement touche une personne dans ce qu’elle est. Si un enseignement n’est pas adapté à l’état d’une âme, il n’y a rien de fait ; le service est perdu. C’est pourquoi le Seigneur parle à Pierre en l’arrêtant dans un domaine que Pierre connaissait très bien. Il se sert même de l’activité de Pierre pour le saisir, introduire un fait inouï qui le frappe. Ce n’est pas par un fait spirituel, un développement de doctrine, non, mais dans l’exercice de son travail. Le principe est général. C’est pourquoi aussi il est de toute importance que nous lisions toutes les portions de la Parole de Dieu, parce que nous ne pouvons pas savoir d’avance celle qui va nous aider. Et il est de toute importance que l’enseignement de la Parole de Dieu soit présenté dans la dépendance du Seigneur, pour qu’Il saisisse les âmes là où elles sont. On trouve d’autres exemples de ce fait, dans le Nouveau Testament.

Après avoir achevé son enseignement, Jésus ordonne à Simon d’avancer en eau profonde et de jeter les filets. Il ne s’agit pas là d’une récompense pour service rendu, mais d’un véritable défi. De nos jours encore, la pêche pour certaines espèces de poissons et en certaines périodes de l’année se pratique de nuit.

Avant de poursuivre je voudrais m’arrêter sur une question : Que signifie pour moi avancer en eaux profondes ?

Avec Dieu, je suis toujours invité à aller plus loin, là où les eaux sont moins familières… aujourd’hui l’expression à la mode pour dire cela c’est « sortir de sa zone de confort » !! La foi est une aventure qui nous entraîne parfois là où nous n’aurions pas voulu aller, parfois vers des gens que nous n’aurions pas choisi. En aucun cas Dieu ne nous laisse dans une position statique, à attendre béatement que quelque chose  se passe ! Dans les eaux profondes, la foi est plus que jamais un acte d’obéissance, obéissance à la Parole. Et inutile de nous demander si la demande est raisonnable ! Simon est bien placé ici pour savoir que l’ordre ne l’est pas, lui le pêcheur professionnel ! S’il n’a rien pris de nuit, ce n’est pas en plein jour que ça va marcher davantage !

Mais ici la démarche est spirituelle, pas professionnelle. Or, peut-on qualifier la foi de « raisonnable » ? Dans le fond je crois qu’elle l’est, mais tout dépend de ce qu’on entend par raisonnable ! Ce qui est sûr, c’est qu’aux yeux des hommes la foi n’est pas raisonnable ! Elle est même une folie !

Simon, qui connaît bien son métier, ne peut être que déconcerté par l’ordre que lui donne Jésus. Aussi sa réponse témoigne-t-elle d’une étonnante confiance. Il est vrai que, lors d’une rencontre antérieure, Simon l’a vu guérir sa belle-mère (Luc 4,38 s.). Mais sa réaction n’en est pas moins surprenante : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je vais jeter les filets. » Ce « mais sur ta parole », expression d’une foi audacieuse, conditionne et prépare le raz-de-marée qui va déferler sur la vie de Simon et qui va lui donner un tout nouvel avenir.

Dès que les filets sont jetés à l’eau, ils s’emplissent jusqu’à se déchirer et leur contenu suffit à remplir deux barques au point qu’elles risquent de chavirer.

Nous voyons dans cet épisode de pêche quelle est l’autorité de Jésus ! Nous contemplons sa personne, sa gloire, sa toute-puissance.

Oui la vie chrétienne est une aventure ! Aujourd’hui comme pour Pierre, il est question d’endurance, de persévérance dans notre marche avec Dieu.

L’obéissance de Pierre s’avère féconde et on lit que lorsque la grâce se manifeste, c’est dans la surabondance. Rien ne peut, à l’image des filets, enfermer la grâce ; pas plus que la Parole du Seigneur ni l’Esprit qui souffle où il veut !

C’est donc là, devant cette masse de poissons tout frétillants, débordant des filets comme d’une corne d’abondance, que se produit la grande rupture : « A cette vue,- — dit l’évangile, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit : “Seigneur, éloigne-toi de moi, je suis un homme pécheur ».

Lorsque l’homme réalise qu’il est en présence de Dieu, il mesure sa petitesse et sa misère. L’effroi ressenti s’apparente à la crainte de Dieu, dû à sa sainteté et à sa gloire (cf Es. 6). Cela doit déboucher sur la repentance, l’obéissance et la confiance comme c’est le cas ici.

Lorsque la grâce se manifeste dans la surabondance, elle débouche sur la repentance. La repentance ici n’est pas le fruit de la prédication de la loi ni de la dénonciation du péché, mais de la manifestation de la grâce. Quand le miracle se produit, un phénomène se passe dans son âme : La bénédiction ne lui cause pas de la joie, mais lui apporte la conviction de péché et la frayeur, parce qu’elle l’amène en présence du Seigneur de gloire. D’autre part, le sentiment de son état, en lui donnant la certitude effrayante que l’Éternel devrait le repousser, le jette aux pieds de Jésus, comme sa seule ressource.

Le sentiment de la présence de Dieu nous ouvre les yeux, nous montre ce que nous sommes, et nous fait voir qu’il n’y a de refuge qu’auprès de Celui qui pourrait nous condamner.

On aurait pu se représenter Simon fou de reconnaissance, serrant Jésus dans ses bras. Mais non : il est saisi d’effroi, de même que ses compagnons. Simon réalise tout à coup qu’un abîme le sépare de ce Jésus, par l’intermédiaire duquel Dieu vient de manifester son pouvoir et sa bonté. C’est pourquoi ce n’est pas un flot de jubilations qui sort de la bouche de cet homme, mais ces paroles : « Seigneur, éloigne- toi de moi, je suis un pécheur ! » Ce n’est pas le souvenir d’une faute morale ou de quelque défaillance particulière qui arrache à Simon cette confession des péchés, mais la prise de conscience de toute sa carence face à la sainteté et aux exigences divines. Remarquons bien que cette prise de conscience n’est pas l’effet d’une quelconque remontrance ni d’une menace, mais l’écho qu’éveille dans le coeur d’un homme l’ineffable grandeur de la bienveillance de Dieu et de son pouvoir créateur manifesté en Jésus, son Fils.

Lorsqu’un pécheur est dans son péché, il ne s’agit pas d’aller l’enseigner sur les vérités les plus élevées. Il faut lui dire ce qu’il est à même de comprendre, qu’il est un pécheur dans son péché. Il faut lui dire : Voilà ce que tu es. Quand un chrétien est en mauvais état, il ne faut pas lui parler comme s’il était en bon état… Le Seigneur ne le fait pas.

Voilà donc Pierre qui est saisi par le déploiement de la puissance du Seigneur.

Un second fait à signaler est le suivant, un fait que nous trouvons toujours. C’est que, lorsqu’une âme rencontre Dieu, elle ne tient compte de personne. Une preuve infaillible du fait que l’âme a rencontré Dieu, c’est qu’elle ne s’occupe de personne. Pierre se jette à genoux et dit : Je suis un homme pécheur. C’est le doigt de Dieu. On ne forcera pas, hormis Dieu, une âme à parler ; mais lorsque Dieu saisit une âme, il touche le ressort caché qui met en mouvement et le coeur et les lèvres. De sorte qu’une preuve — et c’est d’une importance pratique — que Dieu agit, c’est cet aveu, cette droiture devant Dieu et devant les hommes, qui fait qu’une âme scellée, fermée comme un tombeau, s’ouvre, parle et dit : Voilà ! Elle parle à Dieu ; elle dit ce qu’elle est. Cela ne veut pas dire que cela se fasse toujours en public, ou en tout cas totalement en public ; mais voilà le principe. Toutes les fois qu’on trouve une âme qui se récuse, qui s’abrite, se cache, qu’il s’agisse d’un inconverti ou d’un croyant, on peut dire qu’au moment même où elle fait cela, cette âme n’est pas dans la présence de Dieu. C’est important. Il n’y a pas de vérité en dehors de la présence de Dieu. Il peut y avoir apparence, mais c’est la grande différence entre tous les pharisiens du monde et ceux qui ont la foi.

Sans repentance, Dieu ne peut pas nous pardonner ; sans conviction de péché, nous n’éprouvons pas le besoin d’être sauvé puisque nous ne pensons pas être perdus… Que Dieu nous donne la clarté de jugement envers nous-mêmes afin de nous convaincre de péché, et que par-là nous puissions lui demander pardon avec un cœur sincère ! Ce n’est qu’alors que nous pourrons goûter à sa précieuse grâce, à son pardon qui n’a été permis que par un sacrifice extrêmement lourd : celui du Fils de Dieu en croix. C’est par son sang que nous pouvons être purifiés, son sang nous lave de nos péchés et nous permet de trouver grâce auprès de Dieu ; en effet, Dieu nous regarde alors à travers le sang de son Fils Jésus et nous apparaissons réconciliés avec Lui, sans aucun mérite premier de notre part, si ce n’est celui d’accepter ce don gratuit et immérité. Nous pouvons aimer Dieu parce qu’Il nous a aimés le premier, et cet amour est si grand qu’Il a permis la souffrance et la mort de son Fils unique bien-aimé, innocent car il n’a jamais péché ; seul Jésus pouvait accomplir cette œuvre de réconciliation, Il est le Médiateur parfait entre Dieu et nous puisque Il est à la fois pleinement homme (excepté le péché) et pleinement Dieu.

La « conversion de Simon », si l’on veut désigner ainsi l’aboutissement de cette  « pêche miraculeuse », va changer fondamentalement le cours de la vie de cet homme et de ses compagnons. L’effroi qui avait fait suite à leur stupéfaction face au prodige aura été le prélude à leur envoi en mission, même si, dans un premier, temps, cet envoi n’est clairement signifié qu’à Simon : « Sois sans crainte, désormais tu seras pêcheur d’hommes » ou bien, selon une traduction rendant mieux le sens des paroles de Jésus : « Désormais, ce sont des hommes que tu prendras vivants » (Chouraqui)

Le pêcheur Simon a été pris lui-même au filet de celui dont le seul dessein est de capturer les hommes dans la nasse de l’amour divin afin de les faire participer à la vie en plénitude. Or, pour la réalisation de ce plan de salut, le Seigneur a besoin d’hommes et de femmes qui soient prêts à le servir en tant que témoins de son grand dessein. En montant dans la barque de Pierre, Jésus prend des distances avec la foule mais il éloigne aussi Pierre de la foule, le rendant ainsi peut-être plus attentif à sa personne et à sa parole. Le Seigneur sépare du monde ceux qu’il appelle. C’est cela, la consécration !

Quand Jésus guérit, sauve ou relève, il nous rend de ce fait capable de servir : c’est ce qu’il fait ici avec Pierre, comme il l’avait fait auparavant avec la belle-mère de celui-ci ! On retrouve ici le principe de la relation d’aide : pour aider quelqu’un, il faut d’abord être en sécurité soi-même. Avant d’être pêcheur d’hommes, Pierre devait d’abord être sauvé, pêché par le Christ !

Simon et les deux fils de Zébédée ont répondu OUI à l’appel que ce Jésus, qu’ils reconnaîtront plus tard comme le Fils de Dieu, leur adressa ce jour-là au bord du lac de Génésareth. « Ramenant les barques à terre, ils laissèrent tout et le suivirent ».

Grâce au Seigneur, cette journée qui s’était annoncée comme un « jour sans » devint le point de départ d’une nouvelle existence, d’une aventure unique et incomparable sous la direction de celui qui « est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». (Luc 19,10).

Dans le livre des Actes, nous sommes témoins de ce que Pierre est devenu pêcheur d’hommes et de la pêche miraculeuse qu’il a fait puisque 3 000 âmes sont saisies par sa prédication au ch. 2 !

Nous aussi, soeurs et frères en Jésus-Christ, sommes appelés à entrer au service du Maitre. Dieu laisse à chacun la liberté de suivre ou de ne pas suivre son appel. Sachons seulement que nul n’est indigne de servir la cause de l’Évangile. Comme il l’a dit à Simon, Jésus-Christ nous dit à toi et à moi aujourd’hui : « Sois sans crainte ». Ce que le Seigneur attend de nous, ce n’est pas que nous nous présentions devant lui munis d’un CV irréprochable, mais que nous mettions en lui notre entière confiance, nous fondant sur sa promesse donnée jadis à un autre de ses serviteurs, l’apôtre Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » (2 Cor.12, 9).

Comment donc être disciple de Christ, comment devenir « pêcheur d’hommes ». Pour répondre à cette question, un seul verset, le dernier de notre passage : « Alors ils ramenèrent les barques à terre, laissèrent tout et le suivirent ». Cela peut paraître bref et peu instructif et pourtant, le poids de ces quelques mots est énorme ! Le mot qui est sans doute le plus important ici est le plus petit et pourtant le plus lourd de significations : TOUT. Ce mot est à la fois imprécis et empli de sens ; ils doivent TOUT laisser : leur métier, leur maison, leur patrie, leur famille, leur vie entière quoi ! Ils doivent eux aussi se donner librement à Dieu, s’offrir et se laisser guider par Lui dans toute leur vie. Ainsi la première obligation pour être disciple (et pas la moindre !) est de TOUT laisser. La deuxième nécessité est de le suivre, de marcher comme lui a marché, de suivre son enseignement, obéir à la Parole de Dieu, aimer Dieu et notre prochain, annoncer le Royaume de Dieu et le salut sur toute la terre, avoir une foi et une confiance totale en Dieu et accepter que Sa volonté soit faite et non la nôtre, etc. Suivre et servir Jésus demande un don total de soi et une grande obéissance. Mais pour être capale de cela, il faut d’abord, à l’image de Pierre, passer par une repentance sincère et ne pas esquiver cette étape douloureuse mais nécessaire.

Alors parlons à Dieu, chacun dans le secret de nos coeurs ; laissons-le nous révéler tout ce que nous cachons, osons regarder la réalité de nos personnes en face : nous sommes des pécheurs. Et Dieu est celui qui justifie ! A qui d’autre irions-nous ? Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle.

Consacre-nous Seigneur à ton service, rends-nous confiants et obéissants à ta suite. Amen !